12-08-2008

Resp. environnementale - Disc. générale

Séance unique du mardi 22 juillet 2008 - 9h30

[…]

Responsabilité environnementale
Discussion du texte de la commission mixte paritaire


M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement (n° 1034).

[…]

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, comme je l’ai répété à plusieurs reprises au cours des débats, il faut véritablement se féliciter de cette avancée que représente la directive européenne sur la responsabilité environnementale. On considère enfin que le milieu naturel peut être victime de préjudices engageant une responsabilité civile au même titre que la personne humaine. La nature n’est plus seulement un facteur de risques pour l’homme à l’occasion d’inondations ou de tremblements de terre. Elle n’est plus une simple zone d’agrément pour buveurs d’air annuellement bucoliques.

M. Yves Cochet. Magnifique !

M. André Chassaigne. Elle participe bien plutôt d’un équilibre global, dont l’homme n’est qu’une composante et qu’il doit donc contribuer à assurer.

M. Yves Cochet. Excellent !

M. André Chassaigne. Comme vous vous en doutez, mes chers collègues, cette introduction ne constitue qu’une première étape de mon approche dialectique. (Rires sur les bancs du groupe de l’UMP.)

M. Jean Dionis du Séjour. C’était trop beau !

M. André Chassaigne. Je regrette en effet que, lors de l’examen des articles au Sénat et à l’Assemblée, cette logique n’ait pas été poursuivie jusqu’à son terme. Les amendements que nous avons déposés en ce sens n’ont malheureusement pas été retenus et le texte sort de cet examen quasiment inchangé par rapport au projet de loi initial. Les scellés sont restés intacts !

Je sais que nous le répétons inlassablement lors de chaque examen de projet de loi, mais je suis obligé d’y revenir à nouveau : à quoi sert le Parlement si les députés de la majorité se contentent invariablement d’obéir aux injonctions d’un gouvernement qui a décidé par avance que les amendements de l’opposition sont nuls et non avenus, même quand leur intérêt est reconnu ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’UMP et du groupe Nouveau Centre.)

M. Jean Dionis du Séjour. Ça va changer !

M. André Chassaigne. Certes, sur ce projet de loi, l’ostracisme que j’évoque a été renforcé par le fait que les amendements sont arrivés en discussion quelques semaines après l’adoption de l’excellent amendement n° 252 ! (Sourires.)

Ainsi, la directive n’interdisait pas à chaque État de désigner des habitats ou espèces non énumérés aux annexes de ces directives. C’est pourquoi nous avons proposé d’étendre le principe de la responsabilité environnementale au-delà des zones Natura 2000, en intégrant d’autres sites remarquables tels que les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux, les réserves naturelles et les ZNIEFF. Cet amendement a été rejeté au motif qu’il serait redondant. Or, contrairement à ce qu’a affirmé le Gouvernement lors des débats, le champ d’application de la directive est loin de recouvrir tous ces sites. Il ne fallait surtout pas remplir la coquille !

De même, le texte laisse entendre que seul l’exploitant ayant juridiquement et directement en charge l’exploitation est concerné. Mais, dans ce cas, qu’en est-il de l’exploitant de fait, c’est-à-dire de l’exploitant qui conduit et décide réellement, alors qu’il n’est pas l’exploitant de droit ? Comme je l’ai déjà dit à maintes reprises, le principe du « pollueur-payeur » ne doit pas occulter celui du « décideur-payeur ».

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Il en est ainsi des sociétés mères donneuses d’ordre comme dans l’affaire Metaleurop. Dans notre économie de plus en plus filialisée, où les financiers décident de la réalité des projets, cette question est loin d’être accessoire. À notre proposition d’amendement, M. le ministre d’État a répondu par un acte de foi : la disposition sera débattue à l’échelon européen. Mais peut-on vous faire confiance dans la mesure où cette question n’a pas été mise à l’ordre du jour de la présidence française de l’Union ?

Il me faut souligner un paradoxe : alors que les donneurs d’ordre sont écartés de toute responsabilité, à l’inverse, les petites et moyennes entreprises se verront appliquer l’obligation de remise en état sans même prendre en compte les moyens financiers dont elles disposent. Ainsi, vous avez refusé d’appliquer l’article de la directive selon lequel les exploitants et maisons mères ont l’obligation de constituer des garanties financières destinées à assurer le financement des mesures de prévention et de réparation.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. Si les dégâts sont trop importants, comment les petites entreprises pourront-elles alors faire face ? Ici encore, vous n’apportez aucune réponse. Vous avez sans doute compris que le paradoxe n’est pas que je défende le monde de l’entreprise sous sa forme de capitalisme des métiers, du savoir-faire, des produits, si vital pour notre territoire.

Enfin, le critère de la réparation dépend d’une appréciation collective du dommage. Nous avons donc proposé que le public puisse apporter ses appréciations, suggestions et contre-propositions.

M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. Bref, avec cette transposition a minima, la directive européenne est en réalité totalement vidée de son contenu. La Grande-Bretagne a effectué il y a quelque temps une étude prospective sur les implications de la directive et a abouti à une trentaine de cas. Le texte si réducteur que nous examinons aujourd’hui aura-t-il tout bonnement à s’appliquer en France ?

Sous le beau titre de «  responsabilité environnementale », ce projet de loi tient davantage du Canada Dry (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’UMP) : il a la couleur de la responsabilité environnementale, le goût de la responsabilité environnementale, mais ce n’est pas de la responsabilité environnementale. Au final, ne s’agit-il pas plutôt d’irresponsabilité gouvernementale ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’UMP)

Notre responsabilité de députés communistes et républicains est donc aujourd’hui de ne pas voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

[…] (suite des débats et vote du texte - adopté)

Pour en savoir plus : Site de l’A.N.

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