23-01-2004

SIDER et ZRR, DJA

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ART. 2

M. Jean-Claude Lemoine - En créant les sociétés d’investissement pour le développement rural, le Gouvernement donne aux ZRR un outil efficace dont elles ont le plus grand besoin. Ayant cru comprendre que l’Etat n’interviendrait pas dans ce dispositif, j’ai déposé un amendement tendant à étendre son bénéfice à l’ensemble des zones rurales, de manière que toutes les collectivités qui le souhaitent puissent créer des SIDER. Adopté par la commission, cet amendement a, hélas, été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Comme il ne s’agit nullement de ces questions fiscales qui nous ont fait perdre tant de temps (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), je vous demande, Monsieur le ministre, de bien vouloir accepter l’amendement, que je représenterai.

M. André Chassaigne - La création des SIDER montre que le Gouvernement s’interroge à nouveau sur le financement du développement économique des zones rurales et sur les modalités d’intervention des pouvoirs publics en ce domaine, comme s’il regrettait l’évolution du Crédit agricole depuis sa privatisation en 1988, et comme s’il prenait enfin conscience de ce que la réorientation complète de cette banque coopérative, mutualiste, semi-publique et décentralisée a créé un manque.

Le Crédit agricole, qui a longtemps pu se développer à l’abri des lois du marché, a joué un rôle décisif dans le financement de l’agriculture. Mais, aujourd’hui, sa course à la rentabilité et la restructuration de ses modes d’intervention le conduisent à restreindre ses financements aux coopératives agricoles et à favoriser les exploitations les plus capitalisées. De plus, ses opérations de croissance externe, notamment le rachat du Crédit lyonnais à un prix prohibitif, ont évidemment réduit sa capacité d’accorder des crédits aux agriculteurs. Il convient donc d’accompagner la création des SIDER par la réorientation des activités du Crédit agricole vers ses missions historiques, pour redonner au monde rural un outil de financement propre, essentiel à un développement durable.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’un véritable pôle public de financement de l’agriculture et du secteur agro-alimentaire, d’un service public bancaire ayant les moyens de tenir compte de critères autres que strictement financiers et, par là même, de financer une agriculture moins productiviste, moins utilisatrice d’engrais et plus respectueuse de l’environnement.

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M. Hervé Gaymard, ministre - Les SIDER doivent favoriser la création d’activités et de services collectifs d’intérêt général de proximité dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la culture, des services publics… L’amendement 602 corrigé tend à élargir le champ d’intervention des SIDER, initialement limité aux investissements immobiliers nécessaires aux activités économiques, à tous les domaines de la vie quotidienne, par exemple à la création de services de santé ou de maisons de services publics.

Je répondrai brièvement aux orateurs qui se sont exprimés sur l’article. M. Lemoine se demande pourquoi réserver les SIDER aux ZRR et M. Guillaume pourquoi créer un outil supplémentaire. MM. Nayrou et Bonrepaux, ou bien encore Mme Perrin-Gaillard, se sont également interrogés. Je pense, pour ma part, comme M. Folliot, que nous avons besoin pour le développement des territoires ruraux d’une « boîte à outils », qu’il appartient aux acteurs de terrain de s’approprier.

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Monsieur Lemoine, si nous avons souhaité, à ce stade, réserver les SIDER aux ZRR, c’est que la généralisation du dispositif risquait en effet d’entraîner une dilution des aides.

Monsieur Morel-à-l’Huissier, la création de centres d’accueil à la fois pour étudiants et touristes, que vous avez appelée de vos voeux, entre tout à fait dans le champ d’intervention des SIDER.

Pour ce qui est du rôle du Crédit agricole, que plusieurs d’entre vous ont évoqué, n’ayons pas, comme M. Chassaigne, une approche à courte vue. La France s’honore de pouvoir s’appuyer sur cette grande banque agricole, demeurée, après sa privatisation, la grande maison qu’elle a toujours été. C’est le Crédit agricole qui, par la densité de son réseau, assure le meilleur maillage de nos territoires ruraux.

Aussi maintenons-nous en 2004 l’enveloppe et le taux des prêts bonifiés à l’agriculture. Dans nos régions, nous constatons tous, en assistant aux assemblées générales des caisses locales, combien la banque verte fait preuve de dynamisme dans ses activités.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis favorable.

M. Augustin Bonrepaux - Le ministre a expliqué pourquoi il jugeait impossible d’étendre le champ des SIDER. Mais il n’a pas répondu aux inquiétudes exprimées par certains ici : à trop inciter les collectivités locales à garantir des emprunts et à soutenir des investissements, ne va-t-on pas les mettre financièrement en péril ? Quel sera par ailleurs le statut fiscal des SIDER ? Bref, comment adopter un dispositif dont nous ignorons le fonctionnement ? Quels moyens viendront à l’appui de la boîte à outils que vous présentez ? Nous n’avons toujours pas de réponse sur tous ces points.

L’exposé sommaire de l’amendement nous inquiète, car, il fait allusion aux services publics d’intérêt général, tels que la santé, l’éducation, la culture, dont les SIDER devraient favoriser l’implantation. Je croyais jusqu’à présent que la santé et l’éducation relevaient de la compétence de l’Etat, et de fait, le nouveau projet relatif à la décentralisation ne comporte pas de disposition tendant à transférer aux collectivités locales la responsabilité de la santé ou de l’éducation.

Mais serait-ce que vous prépariez, à la faveur de l’article que nous examinons, un désengagement de l’Etat au travers des SIDER ? S’agit-il de la disparition programmée des services publics en zones rurales ?

M. André Chassaigne - Je suis moi aussi très réservé. Ce matin M. Vannson, je crois, dénonçait la politique du « coup de pied de l’âne » qui serait celle de l’opposition. Mais ces SIDER, que vous présentez comme une solution miracle, ne conduisent-elles pas, selon l’expression auvergnate, à nous faire acheter un âne dans un sac ? En rajoutant l’adjectif « collectifs », vous nous expliquez que les SIDER pourront intervenir en tous domaines. Ce ne sont plus des usines à gaz, mais plutôt des usines à privatisation !

M. Jean Auclair - Tant mieux !

M. André Chassaigne - Il suffit de parler de privatisation pour que certains dans la majorité entrent en transes !

M. Jean Auclair - La privatisation vaut mieux que le communisme !

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M. André Chassaigne - Je relève une contradiction flagrante, Monsieur le ministre, entre vos propos d’hier soir sur les sociétés coopératives d’intérêt collectif et ceux d’aujourd’hui sur les SIDER. Vous avez rejeté notre amendement tendant à exonérer de l’impôt sur les sociétés ces sociétés coopératives, dont le nombre n’excède pas une vingtaine, sous prétexte qu’elles interviennent dans toutes sortes de domaines, comme la culture, le tourisme, l’environnement… Et voilà que cet après-midi, après le déjeuner, vous nous resservez le plat avec l’habillage de ce que vous appelez SIDER ! L’habit ne fait pas le moine, dit-on. Ici, il se pourrait bien que si !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Je suis sidéré, si j’ose dire, par les arguments développés par M. Chassaigne. Les SIDER ont donné lieu à une longue discussion en commission. Chaque fois que, suivant notre logique, nous essayons de créer des instruments au service du développement rural, l’opposition nous déclare qu’ils ne conviennent pas.

Les SIDER sont pourtant des outils particulièrement bien adaptés à ce que nous voulons faire. N’est-ce pas l’opposition qui réclame des instruments adéquats pour faire fonctionner le système ? M. Bonrepaux lui-même, présentant ce matin un amendement, disait en substance : « Choisissez dedans ce qui paraît le plus utile… »

M. Augustin Bonrepaux - Pour finir, vous n’avez rien pris !

M. le Président de la commission - Si, puisque nous proposons un instrument conforme à ce que vous souhaitez, et qui permettra, dès qu’un projet de développement apparaîtra, de le soutenir concrètement. La SIDER est un dispositif qui ne doit rien au hasard.

M. Augustin Bonrepaux - Quels seront ses moyens ?

M. le Président de la commission - Je déplore votre stratégie du soupçon. Dès que nous prenons l’initiative courageuse d’exonérations fiscales, on nous dit aussitôt « Surtout pas ! » ou « Combien ça coûte ? » Lorsque nous créons un instrument : « Comment va-t-il fonctionner ? » Moi, je commence par faire confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. André Chassaigne - Vous rejetez toutes les idées qui ne viennent pas de vous !

M. Hervé Gaymard, ministre - J’approuve le président Ollier. M. Bonrepaux veut deviner derrière les SIDER le spectre de la privatisation. Sachons raison garder ! Depuis Jules Ferry, les communes paient le personnel de service et les locaux des écoles primaires et maternelles. Qu’on ne nous dise pas que l’éducation, de toute éternité, est l’affaire exclusive de l’Etat. En quoi est-il choquant que les SIDER puissent intervenir pour apporter des services complémentaires ?

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S’agissant de la santé, il existe, de tous temps, un exercice libéral des professions médicales - et paramédicales dans les territoires ruraux. Chacun déplore même que, dans ces territoires, la densité médicale diminue. La création de cabinets de groupe ou de maisons de la santé est un bon moyen de faire face à cette évolution. Que les SIDER interviennent pour les soutenir, est-ce la voie ouverte à la privatisation de la politique de santé ?

En vérité, nous essayons d’améliorer l’offre de services en milieu rural.

M. Jean Gaubert - En commission, nous avions accueilli avec intérêt l’idée de créer des SIDER. Nous savons en effet combien nos régions manquent d’équipements. Mais il existe déjà des SID et des SEM, et nous vous avons dit : nous avons des tracteurs, c’est le carburant qui nous manque. Et voilà que vous nous proposez d’autres tracteurs… Les dotations viendront donc des collectivités territoriales et d’improbables sponsors locaux.

Nous espérions que la discussion, en nous éclairant, confirmerait notre sentiment a priori favorable. Or nous constatons que vous élargissez les SIDER, dont la vocation est avant tout économique, à tous les équipements collectifs. C’est une toute autre logique, dans laquelle on nous demande de mettre le doigt.

L’amendement 602, mis aux voix, est adopté.

M. André Chassaigne - Notre amendement 398 n’est pas seulement de principe : il tient compte de l’évolution actuelle des services publics dans l’espace européen. Pour Bruxelles, un service public n’est qu’un service « minimum » de base, se pliant autant que possible aux règles de la concurrence. Le droit européen s’attaque à tous les monopoles : pour la poste et les télécommunications, c’est déjà fait. Mais une entreprise soumise à la concurrence sur ses secteurs rentables est évidemment poussée à faire des économies sur ses missions de service public : voilà l’explication des fermetures de guichets dans nos zones rurales. Demain, ce sera le tour d’EDF, de GDF.

Il faut s’opposer à cette idéologie qui fait de la concurrence un optimum absolu et qui veut soumettre toutes les activités humaines, économiques comme culturelles, à une logique de rentabilité.

Remplacer l’appellation « services d’intérêt économique général » par celle de « services publics et de proximité », c’est rappeler quelle est la conception française du service public.

M. Yves Coussain, rapporteur - La formulation du projet nous paraît plus explicite et plus large : elle correspond à la mission des SIDER. Ne faisons pas d’anti-européanisme primaire ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Hervé Gaymard, ministre - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

L’amendement 398, mis aux voix, n’est pas adopté.

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M. André Chassaigne - L’amendement 397 précise que les SIDER interviennent de préférence dans les zones d’activité déjà existantes, afin de protéger les espaces naturels.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission l’a repoussé car il est trop restrictif.

L’amendement 397, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - L’amendement 1152 vise à supprimer le troisième alinéa - 2° -, qui semble entériner la baisse des crédits d’Etat pour la rénovation de l’habitat.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission l’a rejeté. L’objectif des SIDER n’est pas de remettre en cause la politique du logement social, mais d’apporter un soutien ponctuel à des projets de réhabilitation.

M. le Président de la commission - Je m’étonne de l’attitude de l’opposition. Je rappelle qu’en 1995 nous avions voté un amendement à la loi Pasqua, qui prévoyait une disposition de même type. Or cette disposition a été depuis abrogée à l’initiative de Mme Voynet. Il s’agissait de permettre aux villages les plus reculés de réhabiliter leurs logements vacants pour les proposer à la location sociale.

Les SIDER ont la même mission et il faut soutenir le texte.

M. Hervé Gaymard, ministre - Je tiens à rassurer Mme Perrin-Gaillard : les SIDER ne sont pas un alibi ni une béquille, mais visent à renforcer les moyens en ZRR.

L’amendement 1152, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. André Chassaigne - Je trouve que M. Ollier a parfaitement défendu mon amendement 399 ! (Sourires) Il permet, en effet, aux SIDER de céder les logements réhabilités aux offices HLM. Rappelons que ces sociétés sont financées sur fonds publics…

Cet amendement devrait faire l’unanimité.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission l’a rejeté car les SIDER n’ont pas pour objet de faire du logement social, mais de permettre aux collectivités, en collaboration avec des investisseurs privés, de remettre des logements sur le marché.

M. André Chassaigne - On privatise d’un côté, mais surtout on ne socialise pas !

L’amendement 399, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

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M. André Chassaigne - L’amendement 400 précise que les SIDER ne peuvent avoir de but lucratif, et que les excédents nets éventuels ne peuvent servir qu’à financer des opérations conformes à l’objet de ces sociétés.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission a rejeté cet amendement. Une SIDER associe la région à des personnes publiques et privées en vue de soutenir le développement rural, et l’on ne peut interdire la redistribution - très éventuelle - de dividendes.

M. Hervé Gaymard, ministre - Avis défavorable également. Les SIDER peuvent revêtir la forme des sociétés anonymes, à l’instar des sociétés d’investissement régional prévues par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, ou de sociétés par actions simplifiées régies par le code de commerce.

Que ces sociétés aient un but lucratif n’est pas gênant, et peut même au contraire, attirer des investisseurs supplémentaires, au profit du développement rural.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Du fait de leur champ d’intervention, il est important que les SIDER n’aient pas de but lucratif, et qu’elles consacrent leurs excédents au développement local. Cette question, soulevée par M. Bonrepaux, pose le problème du rôle et du statut des SIDER, mais vos réponses ne sont pas claires.

M. André Chassaigne - Si j’ai plaidé, hier, pour les sociétés coopératives d’intérêt collectif, c’est parce qu’elles n’ont, justement, pas de but lucratif. Il est regrettable que vous n’envisagiez le développement local que comme une source de profits.

M. le Président de la commission - Je comprends que vous soyez fidèle à votre logique, même si je ne la partage pas, mais je souhaite dissiper tout soupçon, et je me demande, au reste, si vous avez bien lu le texte du projet, car si tel était le cas, vous auriez constaté qu’un tiers du capital des SIDER sera détenu par les régions, et qu’il n’est pas question pour elles de s’engager dans des activités capitalistiques. Vous vous trompez de débat !

M. André Chassaigne - Le ministre l’a pourtant affirmé !

L’amendement 400, mis aux voix, n’est pas adopté.

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M. Yves Coussain, rapporteur - Je retire l’amendement 162 au profit de l’amendement 815, 2e rectification, du Gouvernement, dont la rédaction est meilleure.

M. Hervé Gaymard, ministre - L’amendement du Gouvernement accorde aux SIDER les mêmes avantages fiscaux qu’aux sociétés d’investissement régional créées en milieu urbain. Il s’agit d’un amortissement exceptionnel de 50 % des sommes effectivement versées pour la souscription en numéraire au capital, déductible du résultat imposable de ces entreprises. Les apporteurs de parts au capital des SIDER bénéficieraient également du même régime que ceux des SIR.

M. Marc Le Fur - Les SIDER doivent maintenir l’initiative dans le monde rural, et il faut donc favoriser leur efficacité. Ce type de mesures fiscales va dans le bon sens, et contrairement à M. Chassaigne, je me réjouis que des gens mettent de l’argent dans le monde rural. Je retire donc mes amendements 678 et 679 qui étaient de même nature.

M. André Chassaigne - S’il y a avantage fiscal, c’est bien la preuve, contrairement à ce que dit M. Ollier, que ce type de société peut faire des bénéfices.

L’amendement 815, 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

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ART. 3

M. Henri Nayrou
- Cet article est le seul où il soit question du tourisme rural. C’est une déception de plus. Le ministre et M. Lassalle entonnent un hymne au bonheur dans nos campagnes, mais nous ne savons toujours pas comment aller à sa recherche. La seule mesure que vous prenez est d’aligner le repos hebdomadaire dans l’agrotourisme sur celui de l’hôtellerie-restauration. C’est bien insuffisant pour développer cette activité alternative au tourisme de masse, dans le respect de l’environnement et du développement durable.

Il aurait fallu inscrire dans le texte que le monde rural ne vivra pas sans activité et que l’agriculture en reste quand même le ciment. La conférence permanente du tourisme rural a en effet bien montré que celui-ci est un outil du développement. Vous auriez donc pu prendre une série de mesures, telles que simplifier le statut des quelque 20 000 agriculteurs qui pratiquent l’agrotourisme, harmoniser les possibilités de rattachement des BIC au régime des bénéfices agricoles, supprimer le passage à l’impôt sur les sociétés en cas de dépassement du seuil de rattachement au bénéfice agricole, ou rendre plus accessibles les aides à la réalisation des projets d’agrotourisme. Si divers dispositifs existent déjà, le compte n’y est pas, et il fallait profiter de ce texte pour donner à l’agrotourisme un vrai statut législatif en précisant son cadre, la définition juridique des entreprises et les outils pouvant être mis en _uvre. Vous n’en faites rien ; c’est dommage pour le monde rural, mais aussi pour votre crédibilité.

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M. André Chassaigne - Par l’amendement 401, qui tend à supprimer l’article, nous voulions réaffirmer un principe : le développement rural ne peut passer par l’affaiblissement des droits des salariés. Suite aux propos qui ont été tenus, je le retire cependant.

L’amendement 401 est retiré.

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La séance, suspendue à 16 heures 50, est reprise à 17 heures.

ART. 4

M. André Chassaigne - J’avais déposé un amendement à l’article 4 qui, exceptionnellement, avait été accepté par la commission, mais il est tombé sous le coup de l’article 40. Il portait sur la DJA, que nous allons défiscaliser. Les critères d’obtention de la DJA sont tels que la majorité des exploitants qui s’installent n’y accèdent pas. Entre 1997 et 1999, ils n’ont été que 40 %, mais 64 % parmi les moins de quarante ans.

La faiblesse des installations en milieu rural inquiète beaucoup les collectivités territoriales, tant l’enjeu, pour elles, est considérable. C’est pourquoi nombre d’entre elles ont conçu des dispositifs de substitution à la DJA pour accompagner les nouveaux exploitants : parrainage, garantie d’emprunt, aides financières comme dans le Puy-de-Dôme.

Mon amendement, approuvé par la quasi-totalité de la commission, tendait à étendre la défiscalisation dont va bénéficier la DJA aux subventions accordées par les collectivités locales dont je viens de parler. Je souligne à nouveau à quel point l’installation d’agriculteurs en milieu rural défavorisé est un enjeu crucial.

Sans doute répondrez-vous, Monsieur le ministre, que le projet de modernisation de l’agriculture en traitera. Reste que si nous ne réglons pas le problème de l’emploi agricole, tout ce que nous ferons ne sera que poudre de perlimpinpin !

M. Jean Lassalle - M. Chassaigne soulève une vraie question. Accéder à la DJA est si complexe que cela devient décourageant. La vitesse avec laquelle le nombre d’agriculteurs diminue doit nous alerter.

Un autre élément, qui n’est pas nouveau, est de nature à compromettre l’avenir de nos campagnes : les jeunes femmes ne veulent plus suffisamment épouser des hommes de la terre (Exclamations).

M. Patrice Martin-Lalande - Déposez un amendement sur ce sujet.

M. Jean Lassalle - Je lance le cri du cœur aux jeunes femmes qui s’ennuient au fond des villes ; dans nos campagnes, elles peuvent donner et recevoir beaucoup de bonheur. Les fougueux bergers de nos campagnes et les ardents paysans de nos campagnes (Exclamations) pourraient faire d’excellent pères, et les papis et les mamies, qui ne vivent plus ensemble dans les maisons, pourraient faire des nounous idéales.

Cela est plus sérieux qu’il n’y paraît. Si la campagne et le travail de la terre revenaient à la mode, il serait plus facile de relancer l’activité. Comme le dit un vieux dicton, les femmes font et défont les maisons.

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M. le Président - Vous avez raison, c’est un vrai problème.

M. Hervé Gaymard, ministre - Monsieur Chassaigne, il est certain qu’il faut réformer la politique d’installation. Nous nous y emploierons dans le projet de modernisation de l’agriculture. Mais certains sujets peuvent être traités ici, comme l’exonération de cotisations sociales de la DJA et les indemnités pour abattage de troupeau.

Nous travaillons avec les jeunes agriculteurs sur la question de l’installation. Déjà des mesures ont été prises pour la faciliter, comme le paiement de la DJA en une seule fois depuis le 1er janvier dernier. Plus généralement, il nous faut considérer trois points.

Le premier tient aux perspectives économiques offertes à l’agriculture. Après les accords signés le 26 juin 2003 à Luxembourg, nous sommes en mesure de stabiliser le cadre économique de l’activité agricole, puisque les productions relevant de la gestion des marchés de la PAC bénéficieront d’une visibilité fonctionnelle et budgétaire durant les dix prochaines années. Pour les autres productions, comme la volaille, le porc et les fruits et légumes, nous travaillons à mettre en place des mécanismes de gestion de crise, en application de l’annexe obtenue le 26 juin.

Les deux secteurs dans lesquels les installations ont été les plus nombreuses ces dix dernières années sont la viticulture et le lait.

Le deuxième élément est constitué de toutes les mesures destinées à faciliter l’installation. Je viens d’en citer quelques-uns, j’y ajoute le stage de six mois, ainsi que le traitement à réserver aux aides apportées par les collectivités locales là où les interventions nationales ou européennes font défaut.

Enfin, il faut réfléchir au style de vie dans le monde agricole. Le problème n’est pas d’aujourd’hui, mais il grandit en importance. Comment articuler la notion d’entreprise agricole avec celle d’exploitation agricole ? Nous allons sans doute assister, de plus en plus, au développement du salariat agricole, y compris dans les exploitations non industrielles, ce qui peut permettre de mieux organiser la vie dans une société où exploitants et conjoints ont de plus en plus de mal à supporterd’avoirunfil à la patte 365 jours par an.

Inventer de nouvelles formes d’organisation économique, ce sera l’un des axes de la future loi sur la modernisation agricole (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. André Chassaigne - Je demande à Monsieur le ministre de reprendre l’amendement déclaré irrecevable par la commission, qui vise à défiscaliser les aides à l’installation apportées par les collectivités locales. Cela ne coûterait pas très cher.

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M. Philippe Armand Martin - L’amendement 812 vise à rétablir l’équilibre entre exploitant-propriétaire et exploitant-fermier en ce qui concerne la réduction de l’assiette des cotisations sociales pour « rente du sol ».

M. Yves Coussain, rapporteur - Ce point sera traité par la loi de modernisation agricole. Rejet.

M. Hervé Gaymard, ministre - La loi du 1er février 1995 a permis aux exploitants agricoles de déduire de leur revenu professionnel un montant correspondant à la rémunération implicite de leurs terres, notamment afin de leur permettre de reconstituer ce capital. Ceci se traduit par un allégement de 5 à 7 % des cotisations sociales.

Toutefois une réflexion est actuellement en cours pour mieux prendre en compte le capital inhérent à toute activité agricole sur le plan des contributions sociales, mais aussi fiscales. La mesure que vous proposez fait partie des pistes étudiées. Mais elle a un coût de 76 millions d’euros, ce qui excède les possibilités du BAPSA à l’heure où nous mettons en place les retraites agricoles complémentaires.

L’ensemble de cette thématique sera abordé dans la loi de modernisation agricole.

M. François Guillaume - En dépit de vos arguments, je soutiens l’amendement.

Autrefois l’assiette des cotisations sociales était établie à partir du revenu cadastral, ce qui était très théorique et inégalitaire. Puis le système a été modifié, en prenant pour assiette le revenu réel, ce qui est plus juste. Aujourd’hui notre collègue nous propose de rétablir l’égalité entre exploitants fermiers et propriétaires en étendant à ces derniers un mode de calcul de « la rente du sol » fondé sur les loyers réels et non plus sur un revenu cadastral théorique. L’amendement 680 de M. Le Fur va dans le même sens.

L’amendement 812, mis aux voix, n’est pas adopté, non plus que l’amendement 680.

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ART. 6

M. André Chassaigne - Notre amendement 403 vise à supprimer le I de l’article.

Face à cet article je suis comme la truie qui doute, pour reprendre une vieille expression française évoquant le cochon cherchant la truffe… (Rires et interruptions sur divers bancs). C’est que cet article, avec son air de ne pas y toucher, pose des problèmes de fond et j’espère que le ministre pourra lever mes inquiétudes. Il ouvre la porte à la concentration des terres et il accorde une place croissante aux associés non exploitants, en faisant entrer leurs capitaux dans l’agriculture. On va abandonner l’agriculture familiale, qui a fait la force de notre pays, pour une agriculture capitaliste.

Serait-ce une première adaptation à la politique européenne de découplage des aides et un pas vers l’agriculture libérale du groupe de Cairns ?

M. Jean Gaubert - Notre amendement 1169 a le même objet. La terre n’est pas un bien extensible et la preuve, c’est que la surface agricole diminue d’année en année. Ne plus encadrer l’agrandissement des propriétés, l’affranchir de règles appréciées par la majeure partie de la profession, ce serait un grand pas en arrière.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable. Le paragraphe I ne supprime que le plafond de superficie autorisé pour les exploitations individuelles. C’est une simplification administrative, qui n’empêchera pas le contrôle des concentrations de continuer à s’exercer pour prévenir des abus éventuels.

M. Hervé Gaymard, ministre - Pour rester dans les métaphores animalières, je ne voudrais pas, Monsieur Chassaigne, passer de « la truie qui doute » au truisme ni, Monsieur Gaubert, voir des loups partout ! (Sourires)

L’article 6 tient compte de l’évolution des EARL mais ne remet pas en cause la politique des structures. Le Gouvernement ne cherche nullement à favoriser les concentrations, toute notre politique va dans le sens inverse. Avis défavorable, donc, aux amendements.

Les amendements 403 et 1169, mis aux voix, ne sont pas adoptés.


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M. André Chassaigne - Monsieur Auclair, pour réagir ainsi, je me demande, à l’instar du docteur Knock, si « ça vous chatouille ou si ça vous gratouille ». Vos références aux kolkhozes et aux sovkhozes montrent à quel niveau vous placer le débat.

M. Jean Auclair - Vous n’êtes plus communiste ? Venez donc à l’UMP ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. André Chassaigne - Notre amendement 404 tend à restaurer l’obligation, pour tous les membres de la société, de participer à la mise en valeur des biens qu’elle exploite. Sa suppression, par le Gouvernement, aurait pu profiter à n’importe quel associé non exploitant d’une SCEA, ouvrant ainsi la voie à une plus grande concentration des terres.

M. Yves Coussain, rapporteur - Avis défavorable, car cet amendement remet en cause la possibilité, pour une société agricole, de comprendre des associés pluriactifs.

M. Hervé Gaymard, ministre - Avis défavorable.

M. Xavier de Roux - L’agriculture évolue et il faut cesser de vouloir conserver à tout prix des exploitations qui ne sont plus viables et ne permettent plus de faire vivre les exploitants. Il est temps de mener une politique agricole dynamique.

M. François Guillaume - Les agrandissements d’exploitations ne sont pas interdits, ils sont simplement soumis à autorisation. Le changement de politique agricole pourrait nous conduire à accorder des primes à des paysans, sans contrepartie de production. Si on libéralisait, les plus fortunés des agriculteurs s’efforceraient d’acquérir des droits à primes au détriment d’exploitants moins fortunés.

M. Jean Gaubert - Deux cas de figure sont envisageables.

Des associés capitalistes extérieurs pourraient effectivement être tentés de s’agglomérer à une exploitation agricole et il faut l’éviter.

En revanche, quid de l’exploitant qui souhaite partir à la retraite, tout en laissant ses capitaux dans l’exploitation ? L’en empêcher pourrait fragiliser la situation économique du repreneur.

Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous repreniez la question dans la loi de modernisation agricole.

M. Hervé Gaymard, ministre - Ce sera fait.

L’amendement 404, mis aux voix, n’est pas adopté.

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ART. 7

M. André Chassaigne - L’article 7, comme l’article 6, favorise la concentration des terres.

Il s’agit de permettre aux exploitants de réaliser des assolements en commun, sous la forme de sociétés en participation. Ils pourraient ainsi vendre les produits de cet assolement en commun. C’est la première étape d’une future concentration, sans doute à la demande des céréaliers, mais d’autres producteurs ne risquent-ils pas d’y recourir pour contourner, par exemple, les quotas laitiers ?

Par ailleurs, ce montage sociétaire peut permettre aux associés d’échapper au contrôle des structures.

M. Jean Gaubert - Notre amendement 1155 tend à la même suppression. L’assolement commun peut servir la rationalisation, surtout chez les céréaliers, mais cette pratique paraît dangereuse. Quelqu’un qui hérite d’une exploitation pourrait profiter du système sans participer aux travaux. On s’éloigne du statut de l’agriculteur, à savoir celui qui met un bien en valeur.

M. Yves Coussain, rapporteur - La commission a repoussé ces deux amendements. Il ne s’agit pas de concentration, mais de mutualisation des compétences, des terres et des matériels. Cela répond à une forte demande de la profession.

M. Hervé Gaymard, ministre - Je confirme que nous n’avons aucune intention maligne ou cachée. La disposition est simplement pragmatique. Avis défavorable.

Les amendements 405 et 1155, mis aux voix, ne sont pas adoptés.


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APRÈS L’ART. 7

M. Philippe Armand Martin - Je propose, par l’amendement 860, une exonération de l’ISF lorsque le preneur exerce sa profession principale au sein d’une société et non à titre individuel dès lors que, avec les membres du groupe familial, il détient la majorité du capital de la société.

M. Yves Coussain, rapporteur - Défavorable. La loi de finances pour 2004 contient déjà des avancées sur ce plan. L’ISF ne concerne de toute façon que les très grandes exploitations.

M. André Chassaigne - Encore un amendement de gagne-petit !

M. Hervé Gaymard, ministre - Défavorable.

L’amendement 860, mis aux voix, n’est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 30.

Pour en savoir plus : Compte-rendu analytique de la séance sur le site Internet de l’Assemblée Nationale

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