SÉCURITÉ ET DÉVELOPPEMENT DES TRANSPORTS (CMP)
M. le Président - J’ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l’approbation de l’Assemblée le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité et au développement des transports.
En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.
[…]
M. André Chassaigne - Loin de promouvoir la sécurité et le développement des transports, et malgré donc son titre mensonger, ce texte s’inscrit dans le processus d’ouverture à la concurrence engagé depuis deux décennies par les institutions européennes, processus qui n’a jamais fait la preuve ni de son efficacité, ni de sa pertinence. Comment assurer la sécurité aérienne et ferroviaire quand la concurrence incite à rogner sans cesse sur les dépenses de main-d’œuvre, de formation et d’entretien du matériel ? Les professionnels du secteur aérien ont pourtant averti des conséquences de la sous-traitance sur la sécurité ! Et la mission sur la sécurité des transports aériens de voyageurs, présidée par Odile Saugues, a publié à ce sujet des observations édifiantes. Les dramatiques accidents ferroviaires qui ont eu lieu en Grande-Bretagne et la suppression des licences de certaines compagnies d’exploitation auraient dû vous alerter sur la difficulté de concilier les investissements nécessaires à la sécurité des voyageurs et les retours sur investissement élevés exigés par les compagnies privées.
La sécurité des voyageurs est tout autant en jeu lorsque vous refusez de soutenir le rail pour rééquilibrer les différents modes de transport. La forte présence de camions sur les routes nuit à la sécurité routière, comme le montrent les incendies que nous avons connus dans des tunnels ou les terribles accidents qui se multiplient dans le Massif central, sur la route Centre Europe Atlantique. Le trafic des poids lourds nuit aussi à la qualité de l’air : il contribue pour 94 % aux émissions de gaz carbonique imputables aux transports !
Malheureusement, il semble qu’il vous soit difficile de ne pas céder aux sirènes du patronat routier. Des solutions existent, pourtant, pour augmenter fortement la part du rail, comme en témoignent les décisions de certains de nos voisins : interdiction des fermetures de lignes ferroviaires, restriction de la circulation des poids lourds dans certaines zones, taxation à l’essieu, soutien des entreprises optant pour le fret, annulation de la dette de RPF… Voilà qui permettrait d’assurer la sécurité dans les transports et de développer les modes peu polluants.
Votre texte rate également son deuxième objectif, à l’enjeu pourtant considérable. Les transports sont essentiels à la vie quotidienne de tous, à l’aménagement du territoire, aux échanges économiques et leur organisation détermine le bon état de notre environnement. Le rééquilibrage entre les différents modes est indispensable, ainsi que des subventions aux infrastructures et au trafic. Mais vous ne faites pas les bons investissements. Ainsi, en France, la voie fluviale est sous-utilisée alors qu’elle consomme cinq fois moins que le transport routier et que nous disposons de plusieurs axes structurants. Le réseau de fret ferroviaire se rétrécit, des gares et des trains sont supprimés et l’on connaît la pénurie de matériel et le mauvais état des infrastructures, mis en évidence par un audit indépendant. A côté de cela, presque 80 % des marchandises circulent encore par la route ! C’est dire la dynamique de progrès qu’il faudrait enclencher ! En dépit de la bonne santé de certains projets, tels que la liaison entre Perpignan et Luxembourg, la situation est alarmante.
Mais vos seules réponses sont l’ouverture à la concurrence du fret, qui n’a pourtant conduit à aucune augmentation de trafic chez nos voisins et qui amène la SNCF à délaisser toute une série de lignes jugées secondaires, ou le recours à des partenariats public-privé pour le financement d’installations ferroviaires ou fluviales, non pas en complément d’investissements publics, mais dans un contexte de désengagement de l’Etat et de concurrence entre les territoires. La création d’un pôle public financier aurait évité de soumettre les projets à des taux de retour sur investissement et de rendement si contraignants et permettrait d’inscrire les subventions dans une logique de long terme, et non projet par projet.
Mais vous persistez dans la voie de la concurrence et du prétendu libre marché, réunissant dans une même entreprise de dérégulation les activités de l’énergie, des télécommunications, du rail et des postes. Par la dénomination floue de « services de réseau », vous les livrez à la concurrence et à la privatisation des activités potentiellement juteuses pour les marchés financiers, en faisant fi des enjeux de sécurité et de développement qui se posent. Nulle trace d’un engagement des pouvoirs publics en la matière ! Nulle réponse aux défis écologiques, sociaux et d’aménagement du territoire !
Nous avions donc de bonnes raisons de nous opposer à ce texte, et vous nous en avez donné de nouvelles en acceptant, la semaine dernière, l’amendement de M. Devedjian sur le syndicat des transports d’Ile-de-France. Cet amendement vise à bloquer le développement des transports publics en Ile-de-France, puisqu’il introduit la règle des deux tiers au sein du conseil d’administration du STIF, soumettant tout développement sérieux de l’offre et toute politique tarifaire sociale à l’aval du président de l’UMP. Nous ne cesserons d’être étonnés par votre conception de la démocratie : Rousseau avait forgé la notion d’intérêt général, MM. Devedjian et Sarkozy développent la notion d’intérêt conjoncturel de l’UMP !
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M. le Rapporteur - Oh !
M. André Chassaigne - Je n’ose deviner quel est le régime politique qui sous-tend ce nouveau concept. Nous voterons contre ce texte.
M. Michel Raison - C’est un peu « duraille », pour reprendre le mot d’un collègue : si les routes étaient aussi encombrées que cet hémicycle, nous n’aurions pas à légiférer sur les transports… (Sourires).
Ceci n’est pas un scoop : je souhaite, Monsieur le ministre, apporter au nom de l’UMP notre total soutien à ce texte. Il ne s’agit pas, comme l’a laissé entendre l’opposition, d’une compilation de dispositions diverses, mais d’un ensemble cohérent et structuré autour de trois axes : la sécurité, le développement économique et les garanties sociales.
Ce projet de loi permet de transposer un certain nombre de directives et de mettre ainsi notre droit en conformité avec ces textes, dont nous ne devons pas négliger l’apport. J’ai d’ailleurs le souvenir d’avoir participé à un colloque organisé par un ministre des transports parlant beaucoup mais agissant peu - M. Gayssot s’il faut le nommer… -
M. André Chassaigne - Cela est outrageant et ne correspond pas au bilan de cet excellent ministre des transports !
M. Michel Raison - …, et qui soulignait à cette occasion que le fret ferroviaire nécessitait une harmonisation européenne. En effet, nous n’évoluons pas dans un pays isolé : qu’il s’agisse de protection sociale ou de développement économique, l’accélération des échanges économiques ou commerciaux, comme les menaces terroristes, nous commandent d’agir de manière cohérente et concertée.
M. André Chassaigne - Vous oubliez les intérêts financiers !
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M. Michel Raison - Nous poursuivons aussi, grâce à ce texte, notre politique de sécurité routière. Si M. Gayssot avait promis de réduire de moitié le nombre de tués sur la route, nous, nous l’avons fait. Ce projet comporte des mesures nouvelles comme l’aggravation des sanctions en cas de débridage des deux-roues et des quads, ou l’immobilisation d’un véhicule en cas de grand excès de vitesse. Les résultats de cette action volontariste sont connus et incontestables, mais nous pouvons faire mieux encore pour ne plus avoir à déplorer ces catastrophes routières que recense, chaque jour, la presse régionale.
Le deuxième aspect du projet qui mérite de retenir notre attention est l’ouverture à la concurrence du marché du fret ferroviaire.
M. André Chassaigne - Ça, ça vous passionne !
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