La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX (suite)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.
ART. 13 (précédemment réservé)
M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - L’amendement 189 que la commission a adopté revient à la rédaction actuelle de l’article 25 de la loi du 26 janvier 1984, selon lequel les centres de gestion peuvent recruter un agent et le mettre à disposition des petites communes qui en ont un besoin urgent, pour une durée de service au moins égale au quart de la durée légale du travail.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l’Etat et de l’aménagement du territoire - L’article 13 a pour objet de permettre le cumul entre emploi public et emploi privé. Un décret l’a permis pour les agents qui effectuent moins de 50 % du temps de travail dans les communes. Un souci demeure pour ceux qui en effectuent plus. Nous proposons que le centre de gestion puisse, par convention, les mettre à disposition d’entreprises privées. Les préoccupations qui ont inspiré cet amendement sont donc satisfaites par le décret paru aujourd’hui. Par ailleurs, il occasionnerait un transfert de charges important sur les centres de gestion et donc sur les communes en cas de rupture du contrat de caractère privé. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.
M. Yves Coussain, rapporteur - Le décret assurant un meilleur résultat, je ne peux que retirer l’amendement 189, en remerciant le ministre de cette avancée.
M. André Chassaigne - L’amendement 421 est relatif aux conflits d’intérêts. L’article 13 prévoit qu’un agent ne peut être mis à la disposition d’une entreprise dans laquelle il a des intérêts. Nous proposons d’ajouter que le maire ne doit pas en avoir non plus.
M. Yves Coussain, rapporteur - Le problème est réel, mais la prise illégale d’intérêts est réglée dans le code pénal. Tout en comprenant les préoccupations de ses auteurs, la commission est défavorable à cet amendement.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Avis défavorable. L’article 13 prévoit la mise à la disposition d’un ou plusieurs employeurs privés pour accomplir toute activité compatible avec les règles de déontologie des agents publics. Cet amendement est donc déjà satisfait et il serait malencontreux d’aller au-delà.
M. André Chassaigne - Si la question est réglée, pourquoi inscrire cette disposition pour les agents et la refuser pour les maires ?
M. Jean-Paul Delevoye, ministre - Parce qu’il y a d’autres textes relatifs à la prise illégale d’intérêts.
L’amendement 421, mis aux voix, n’est pas adopté.
[…]
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M. André Chassaigne - L’amendement 491 rectifié vise à définir une stratégie permettant l’accès de tous les citoyens au service public après consultation de la commission départementale d’amélioration des services publics.
En outre, il propose qu’avant de transférer une maison de services publics, la commission départementale d’amélioration des services publics soit consultée.
M. Yves Coussain, rapporteur - Cet amendement est satisfait par les amendements Bouvard et Vannson que nous avons adoptés.
M. André Chassaigne - Je le retire donc.
L’amendement 491 rectifié est retiré.
[…]
M. André Chassaigne - J’appelle l’attention de l’Assemblée sur un aspect qui n’a pas été évoqué et qui n’apparaît pas dans l’amendement : il s’agit des atteintes que l’on porte aux services publics sans remettre en cause, en apparence, la nature de la prestation, mais en grignotant sa qualité, ce qui prépare à terme leur fermeture. M. Lassalle en a cité un exemple : on laisse une perception en activité, mais on supprime le cadre A… J’en donnerai un autre : la concentration de la distribution postale. On ne remet certes pas en cause la prestation : le porte-à-porte est toujours assuré par les facteurs, mais ceux-ci sont regroupés au bureau de poste du chef-lieu d’arrondissement, et non plus à celui du chef-lieu de canton ; l’activité de ce dernier va donc s’affaiblir progressivement, ce qui prépare sa fermeture.
Dernier exemple : dans un collège, on supprime des options parce qu’elles n’attirent pas assez d’élèves. Là encore, la remise en cause de la qualité du service va affaiblir celui-ci par fuite des usagers, et l’on arrivera assez vite à la fermeture, faute d’un nombre suffisant d’élèves.
Tous ces exemples illustrent ce que j’appelle le grignotage des services publics, préludant à leur fermeture.
Mme Henriette Martinez - Je souhaite présenter un sous-amendement 1507, ayant pour objet de supprimer l’étude d’impact dans le cadre de la procédure de concertation que propose M. Garrigue, et de rendre au préfet tous ses pouvoirs dans le département (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).
M. François Brottes - Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe - ce qui, au passage, rendra service à tout le monde…
La séance, suspendue à 23 heures 25, est reprise à 23 heures 40.
[…]
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M. André Chassaigne - La question des services publics en zone rurale est primordiale. Mais les politiques conduites en la matière ne relèvent que marginalement du domaine législatif. Le Parlement n’a qu’un contrôle très limité sur les politiques désastreuses conduites sur le terrain.
En nous proposant d’autoriser la privatisation des maisons des services publics - dont l’existence même illustre la démission des pouvoirs publics -, le Gouvernement nous demande en fait un blanc-seing pour poursuivre sa politique de déménagement du territoire et de privatisation des services publics. Nos concitoyens ruraux ne veulent pas de services publics au rabais : ils demandent simplement que le principe d’égal accès soit respecté. Comment croire qu’on soulagera le malaise du monde rural, si ses habitants ne sont pas considérés comme des citoyens à part entière ? La question des services de proximité n’est pas seulement économique et sociale : c’est un mode d’affirmation des valeurs de la République et une reconnaissance des droits des citoyens.
Une politique alternative impliquerait qu’on revienne sur les politiques de démantèlement de l’Etat, de privatisation et de mise en concurrence poursuivies depuis vingt ans, et qui ont abouti à des situations absurdes. On voit par exemple le Crédit agricole se poser en concurrent direct de La Poste, et demander une plus grande dérégulation du secteur postal ! Deux entreprises naguère partenaires, complémentaires et utiles aux territoires, ne pensent plus qu’à se concurrencer, chacun cherchant à se développer au détriment de l’autre : c’est désolant.
Ni la crise de nos finances publiques, ni l’impérialisme juridique de la Commission européenne ne justifient le démantèlement des services publics qui ont fait la République. Si le volontarisme du Gouvernement à l’égard du monde rural était sincère, il ne laisserait pas dépérir les services publics. Il faut savoir si l’on veut servir les intérêts d’investisseurs financiers, et donc respecter le droit de la concurrence européen, ou donner aux territoires ruraux des chances réelles de développement. Car aucun développement durable n’est possible sans services de proximité.
[…]
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 28 janvier, à 15 heures.
La séance est levée à 0 heure 55.