26-09-2006

Sidérurgie et filière acier

J’ai bien reçu votre « lettre ouverte » du 7 septembre dernier, où vous me faites part, en introduction, de vos interrogations sur « le bateau France »…

Nous pourrions débattre longuement des hommes politiques et de la presse, mais s’agissant d’un débat, l’occasion d’une rencontre se prêterait mieux à l’exercice que ne le ferait mon courrier. C’est pourquoi je vais, volontairement, limiter ma réponse au problème que vous soulevez sur la pénurie de matière première pour les entreprises de découpage-emboutissage et plus généralement sur la sidérurgie.

En avril 2004, saisi par les professionnels de la coutellerie mais aussi par ceux du bâtiment, j’ai adressé une question écrite au Ministre de l’économie sur l’augmentation exponentielle du prix des matières premières, notamment celle de l’acier qui avait subi, en trois mois, une hausse de 53 %. Je soulignais que cette situation risquait de générer à court terme une situation de pénurie et de paralysie de l’outil de production, ce résultat étant dû en grande partie à la hausse de la demande en Chine.
Le Ministre de l’économie, dans sa réponse publiée en avril 2005, précisait s’être « adressé au commissaire européen en charge du commerce pour appeler son attention sur la nécessité d’envisager des actions dans le domaine du commerce international afin d’obtenir la levée des barrières s’opposant à la circulation des matières premières et des produits finis sidérurgiques. Plusieurs résultats ont d’ores et déjà été obtenu, en particulier la suppression du système chinois de licences à l’exportation de coke, mesure qui contribuait à accentuer la hausse des prix de cette matière première, ou encore la suppression des droits antidumping sur les bobines à chaud importées au sein de l’Union européenne. Le cycle de renégociation des accords « acier » avec la Russie, l’Ukraine et le Kazakhstan vient par ailleurs d’être engagé. La Commission européenne entend aboutir à de nouveaux accords équilibrés avec ces trois pays qui devront permettre non seulement de mettre en place de nouveaux quotas mieux adaptés aux besoins des industries européennes consommatrices d’acier, mais également d’aboutir à l’élimination des obstacles mis en place par la Russie et l’Ukraine en matière de commerce des ferrailles. Sur le marché français, les services du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie ont été mobilisés afin de veiller au respect par les acteurs économiques concernés des règles de concurrence, notamment dans le secteur de la distribution. »

Je vous adresse, ci-joint, cette question écrite accompagnée de la réponse du Ministre.

Dans « l’espace thématique » du site Internet du Ministère de l’industrie vous pouvez consulter et télécharger le tableau de bord des prix de l’acier dans la filière automobile élaboré dans le cadre de la table ronde présidée par Patrick DEVEDJIAN le 22 octobre 2004, mais aussi une analyse du service des études et des statistiques industrielles plus récente, publiée en juin 2006.

Vous pourrez également consulter le programme, les interventions, et la liste des participants au séminaire qui était organisé en novembre 2005, sur le thème de « l’innovation dans la métallurgie », qui a réuni 140 professionnels impliqués dans le domaine de la métallurgie, notamment le témoignage de la société FACOM sur le thème « innovation et recherche d’une adéquation entre besoin utilisateur et prix de revient ».

S’agissait-il d’une flambée passagère des matières premières ?

J’ai consulté l’interview publiée par le quotidien « Les échos », en juin 2006, de Monsieur Philippe CHALMIN, diplômé de l’école des Hautes Etudes Commerciales à Paris, économiste, professeur associé à l’Université Paris-Dauphine depuis 1994 et directeur du Master Affaires Internationales.

Tout en reconnaissant que les prix de l’acier ont enregistré en 2005 une très forte hausse, il ajoute que « la tendance s’était déjà inversée vers la fin de l’année avant un léger rebond début 2006, mais il faut tenir compte de la montée en puissance de la Chine qui est désormais exportatrice nette en particulier sur les sortes d’acier les plus courantes. En toute logique le pic de l’acier est plutôt derrière nous et je maintiens ma prévision d’une baisse moyenne sur 2006 par rapport à 2005 ».

J’en viens plus précisément à Arcelor et autres entreprises de la filière acier. En janvier dernier, Michel Steel annonçait son OPA sur Arcelor, et Monsieur le Premier Ministre dénonçait une « proposition inamicale » qui « ne s’accompagnait d’aucun projet industriel ». De son côté le Président de la République critiquait un projet « purement financier ». En juin le Conseil d’Administration d’Arcelor a accepté l’offre d’achat de Mittal. Le Premier Ministre et le Président se sont alors réjouis de ce « mariage de raison » et de cette « fusion utile ». Or, les actionnaires ont vu leur titre gagner 49 % et vont, de plus, recevoir 8,5 milliards d’euros en cash. La direction d’Arcelor leur promet même d’ici deux ans plus de 13 milliards d’euros de profit… mais elle prévient aussi qu’il faut s’attendre à des restructurations dans les cinq années à venir ; en clair, elle annonce déjà des fermetures de sites et des suppressions d’emplois.

Dans un contexte de forte demande d’acier, d’autres choix sont indispensables pour pérenniser et développer la filière sidérurgie en France et en Europe. Il faut privilégier la croissance interne des entreprises au lieu de multiplier les fusions et les acquisitions coûteuses en ressources. Les flots d’argent mobilisés dans cette bataille boursière pourraient être utilisés, tant chez Mittal que chez Arcelor, à revaloriser le travail, à moderniser les équipements, à former et rajeunir le personnel en résorbant la précarité, et à dynamiser la recherche de nouveaux procédés de fabrication.

Dès juillet 2005, les députés communistes et républicains ont déposé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête parlementaire relative aux conditions de sauvegarde et du développement de la filière de production d’acier en France et en europe. A ce jour, la majorité UMP et le Gouvernement n’ont donné aucune suite à ces initiatives… préférant s’en remettre à la « vie normale des affaires », selon les propres termes du Ministre de l’économie.

Je vous adresse ci-joint, pour information, la proposition de résolution déposée par le Groupe des Député-e-s Communistes et Républicains.

Pour en savoir plus : Andre CHASSAIGNE

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