16-01-2013

Situation au Mali : question au Gouvernement


André Chassaigne - Question au gouvernement sur… par andrechassaigne

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’exprimer la solidarité des députés du Front de gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine avec le peuple malien confronté à l’offensive de groupes djihadistes qui occupent le nord de ce pays qui nous est si proche. Nos pensées vont aussi aux familles d’otages français et à celles de nos soldats.

Une intervention internationale était urgente et nécessaire pour stopper l’offensive des fanatiques islamistes. Elle n’en suscite pas moins des interrogations. L’opération Serval a été lancée sans débat préalable au Parlement. Selon nous, elle aurait dû s’inscrire aussi dans le cadre d’un mandat précis, défini par l’ONU et l’Union africaine.

La résolution 2085 du Conseil de sécurité autorise le déploiement d’une mission internationale sous conduite africaine. Or l’opération Serval se révèle d’abord être une opération franco-française. Cela ne peut que susciter un certain malaise, au regard de l’ancien statut de puissance coloniale de la France.

Mais, surtout, cette opération militaire, nécessaire, ne saurait constituer une fin en soi. Elle ne réglera pas le problème sur le fond et dans la durée. La crise malienne est d’abord politique. Elle pose la question de la reconstruction d’un pays, dont la déliquescence institutionnelle et politique a abouti à le scinder en deux.

La France ne doit pas mettre seulement ses armes et ses soldats au service de ce pays symbole de la richesse culturelle du continent africain. Elle doit coopérer avec lui, dans le respect mutuel, afin qu’il puisse se doter, par lui-même, d’institutions stables dignes d’un État souverain.

Monsieur le Premier ministre, quelle est notre ambition dans ce registre qui relève moins du militaire que du politique et de la solidarité entre les peuples ?

Questions d’autres députés sur la situation au Mali.

(…)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la France, vous venez de le rappeler, intervient en appui à l’armée malienne. Elle le fait à la demande du Président du Mali et dans le respect de la Charte des Nations unies.

L’agression des mouvements terroristes menaçait l’existence même du Mali et faisait peser un risque majeur sur l’Afrique de l’Ouest, sur l’Europe et aussi sur la France. L’opération fixée par le Président de la République poursuit trois objectifs. Je tiens à les rappeler devant vous après les avoir exposés, hier soir, à Matignon devant les représentants de tous les groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat, devant la présidente et les présidents des commissions affaires étrangères et de la défense et devant, bien sûr, les présidents de l’Assemblée et du Sénat. Le premier objectif est d’arrêter l’offensive des groupes terroristes ; le deuxième objectif est de préserver l’existence de l’État malien et de lui permettre de retrouver son intégrité territoriale et sa totale souveraineté ; le troisième objectif est de préparer le déploiement de la force d’intervention africaine qui a été autorisé le 20 décembre dernier par le Conseil de sécurité dans le cadre de la résolution 2085.

Le dispositif militaire que nous déployons conjugue renseignement, frappes aériennes, moyens d’aéromobilité et unités terrestres. Il répond strictement à ces objectifs. Il continuera de se renforcer dans les prochains jours. En effet, nous avons porté un coup d’arrêt à la première offensive des trois groupes terroristes principaux. Mais leur détermination, nous devons en être conscients, reste entière et il convient, pour y faire face, d’obtenir rapidement des résultats très significatifs.

Cette intervention, le Gouvernement en est conscient depuis le début des opérations, fait peser un risque sur nos otages au Sahel. Mais ce sont ceux-là mêmes qui les détiennent qui menaçaient de s’emparer de la totalité du Mali. Ne rien faire et laisser le Mali devenir un sanctuaire pour les groupes terroristes n’aurait pas contribué à la libération, que nous souhaitons tous, de nos otages.

Pour la protection du territoire national, plusieurs mesures du plan Vigipirate ont été renforcées, notamment dans les transports, les bâtiments publics et les lieux de culte.

Je vous l’ai dit, j’ai réuni hier soir les représentants du Parlement en présence du ministre de la défense et du ministre de l’intérieur, le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, se trouvant avec le Président de la République, aux Émirats arabes unis, était représenté par son directeur de cabinet. Nous avons, à cette occasion, présenté les objectifs de l’intervention et répondu à de nombreuses questions particulièrement précises et utiles, conformément au rôle que vous avez à jouer, en tant que représentants parlementaires, dans le cadre de la Constitution : vous avez tous en mémoire son article 35. Un débat sans vote se déroulera donc mercredi après-midi, comme M. le président de l’Assemblée nationale vient de le rappeler. Un débat similaire se tiendra en même temps au Sénat.

Je me félicite en tout cas, d’ores et déjà, du soutien manifesté depuis le 11 janvier par l’ensemble des forces politiques de notre pays.

M. Patrick Balkany. Et les Verts ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je remercie tout particulièrement les représentants et les présidents de groupes qui se sont exprimés cet après-midi. Notre pays est uni dans ce combat contre les groupes terroristes. Ce combat est aussi un combat pour nos valeurs. Il est un combat pour les valeurs des Nations unies. L’intervention de la France bénéficie, en effet, du soutien de la communauté internationale, à commencer par les États africains eux-mêmes. Plusieurs de nos partenaires, notamment le Royaume-Uni, le Danemark, les États-Unis, le Canada et l’Allemagne, nous apportent, déjà, leur appui sous diverses formes. La France est, aujourd’hui, en première ligne, en appui à l’armée du Mali, mais, d’ici à une semaine, les forces africaines commenceront à se déployer sur le terrain. Un échelon précurseur de l’état-major de la MISMA est déjà à Bamako. Plusieurs pays africains ont confirmé la mise à disposition de premiers contingents.

La mise en place de la mission de l’Union européenne de formation et de soutien logistique aux forces armées maliennes est également en train de s’accélérer. Une réunion du Conseil des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne se tiendra jeudi dans cette perspective. La perspective, les uns et les autres l’avez rappelé, est politique. Elle est de redonner au Mali la stabilité à laquelle il prétend à juste titre. Elle est aussi de redonner à ce pays des institutions démocratiques stables et durables au service d’un Mali pleinement souverain et capable de garantir sa propre sécurité. L’ambition du Gouvernement et des forces politiques largement rassemblées est aussi de donner une perspective de développement non seulement au Mali, mais à toute cette région de l’Afrique particulièrement pauvre. Mais il n’y a pas de développement sans sécurité et il n’y a pas de sécurité durable sans développement.

Avant de conclure, mesdames, messieurs les députés, je voudrais, à mon tour, saluer le courage de nos soldats. Je présiderai dans quelques instants, juste après cette séance, avec le ministre de la défense et le ministre chargé des anciens combattants, la cérémonie d’hommage national au chef de bataillon Damien Boiteux qui a péri vendredi, au premier jour, je dirai aux premières heures, de l’intervention. Mais, mesdames, messieurs les députés, vous lui avez déjà rendu hommage comme la nation tout entière le fera.

Face à la menace terroriste, la détermination du Gouvernement est entière. Fort de votre appui et de celui de toutes les forces politiques nationales, de la nation tout entière et de la communauté internationale, cette détermination ne faiblira pas ! (Applaudissements sur tous les bancs. – Les députés des groupes SRC et RRDP ainsi que quelques députés du groupe Écologiste se lèvent et applaudissent vivement.)

Pour en savoir plus : André Chassaigne - AC

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