Retrouvez ici le texte de la proposition de loi, portée par Marie-George Buffet et soutenue par plus de 80 député-e-s, portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés :
Deuxième séance du mardi 03 avril 2018
Demande de constitution d’une commission spéciale
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la décision de l’Assemblée sur la demande de constitution d’une commission spéciale.
Je rappelle que le président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine a demandé que la proposition de loi portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, renvoyée à la commission des affaires sociales, fasse l’objet d’une commission spéciale.
Une opposition a été formulée par la présidente de la commission des affaires sociales. L’Assemblée est appelée à se prononcer sur cette demande, dans les conditions prévues à l’article 31, alinéa 4, de notre règlement.
M. Jean Lassalle. J’écoute Chassaigne et je m’en vais !
Mme la présidente. Nous sommes ravis, monsieur Lassalle, de prendre connaissance de vos intentions. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales, auteure de l’opposition.
Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le président Chassaigne, mes chers collègues, le président du groupe GDR a déposé, mercredi dernier, une demande tendant à la création d’une commission spéciale sur la proposition de loi no 805 portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH.
Mme Valérie Rabault. Très bien !
Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales. Il ne m’appartient pas, il ne nous appartient pas, de statuer aujourd’hui sur l’opportunité de l’examen ou de l’adoption d’une telle proposition de loi. En revanche, il nous incombe d’assurer son examen dans les meilleures conditions.
Ce texte, monsieur le président Chassaigne, vise à modifier les modalités de calcul d’un minimum social destiné aux personnes handicapées, modalités déterminées par le code de la Sécurité sociale. Je ne puis que rappeler les termes de l’article 36, alinéa 10, de notre règlement, qui confie explicitement cette compétence à la commission des affaires sociales de notre assemblée.
Cette commission a d’ailleurs, depuis le début de la présente législature, montré à plusieurs reprises qu’elle voulait faire avancer la situation des personnes handicapées : elle l’a fait, en dernier lieu, avec la création, en son sein, de référents qui doivent être nos vigies, nos aiguillons dans l’ensemble de nos travaux.
En tant que présidente de cette commission, je ne puis donc que m’opposer, en application de l’article 31, alinéa 3, de notre règlement, à la demande de constitution d’une commission spéciale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Jean Lassalle. Pour ma part, je suis d’accord avec cette demande !
Mme la présidente. Sur le vote de la demande de création d’une commission spéciale, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. André Chassaigne, président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, auteur de la demande de constitution d’une commission spéciale.
M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, cela fait des années que les personnes en situation de handicap et les associations qui défendent leurs droits réclament que l’allocation aux adultes handicapés devienne réellement une allocation d’autonomie, et que soit mis fin, pour ce faire, à la prise en compte des revenus de la conjointe ou du conjoint dans son versement. Ce mode de calcul injuste prive de ressources propres des dizaines de milliers de bénéficiaires de l’AAH, pour la seule raison qu’ils vivent avec la personne qu’ils aiment.
Mme Isabelle Valentin. Absolument !
M. André Chassaigne. Je rappelle les chiffres. Si le conjoint ou la conjointe gagne 1 126 euros par mois, l’allocation de 810 euros diminue progressivement ; s’il gagne 2 200 euros, le versement de l’AAH est totalement supprimé et l’allocataire n’a plus aucune ressource propre. L’allocation d’autonomie porte décidément mal son nom.
Nous avons toutes et tous été interpellés par les associations ou par des bénéficiaires de l’AAH sur ce mode de calcul totalement injuste. Il faut agir vite, et c’est au Parlement qu’il revient de le faire, sans tergiverser. Tel est le sens de la proposition de loi portée depuis des mois par Marie-George Buffet et désormais soutenue par plus de quatre-vingts députés issus de tous les groupes politiques, de la majorité comme de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
M. Jean Lassalle. Très bien !
M. André Chassaigne. Cette proposition de loi transpartisane doit être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le plus rapidement possible. La constitution d’une commission spéciale serait un geste fort. Nous montrerions ainsi que les députés écoutent les attentes sociales et dépassent les clivages quand il faut prendre des mesures de justice et de bon sens.
Mais nous savons toutes et tous, ici, les raisons de l’opposition à l’étude de ce texte : il va à rebours des orientations du Gouvernement qui, lui, propose que les revenus du conjoint soient encore davantage pris en compte dans le versement de l’AAH, en portant le coefficient qui lui est appliqué de 2 à 1,8, afin de le rapprocher de celui du revenu de solidarité active – RSA.
Or, pour bien comprendre ce qui plaide en faveur d’une individualisation du droit à l’AAH, il faut rappeler la nature et la fonction de cette allocation, qui n’est en rien comparable au RSA. L’AAH n’est pas un minimum social mais une allocation d’autonomie destinée aux personnes qui, en raison de leur handicap, ne peuvent exercer une activité normale et tirer des revenus suffisants de leur travail.
De plus, cette proposition de loi est indispensable pour donner sa pleine mesure à l’augmentation de l’AAH à 900 euros décidée par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et NG, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes FI et LR.) En effet, le plafond de ressources pour bénéficier de l’AAH équivaut aujourd’hui à deux fois son montant, qui est de 810 euros. Mais en portant l’AAH à 900 euros, le Gouvernement entend aussi mettre en place un coefficient de 1,8. Au final, le plafond de ressources, pour les personnes qui vivent en couple, sera donc exactement le même qu’aujourd’hui.
M. Gilles Lurton. Eh oui, c’est exactement ce que j’avais dit !
M. André Chassaigne. En effet, si vous multipliez par deux les 810 euros actuels, ou si vous multipliez les futurs 900 euros par 1,8, vous obtenez la même somme : 1 620 euros. Par ce tour de passe-passe, l’augmentation de l’AAH n’aura aucun effet pour des dizaines de milliers de bénéficiaires qui vivent en couple. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et NG, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes FI.)
M. Gilles Lurton. Très juste !
M. André Chassaigne. Mes chers collègues, la constitution d’une commission spéciale est tout autant un moyen qu’une fin. Elle est une fin, car, comme je l’ai dit, il est urgent d’agir. En effet, 250 000 allocataires vivent en couple. Nous devons entendre la détresse de ceux qui perdent leurs revenus ; nous devons agir pour ceux qui renoncent à leur vie privée pour conserver leur autonomie financière. Cet acte serait aussi une façon de montrer la puissance du Parlement quand les députés œuvrent de concert pour l’intérêt général.
Face aux mesquineries comptables, face aux économies de bouts de chandelle qui ont trop tendance à guider l’action publique, nous devons, en tant que représentants du peuple, être à l’écoute des demandes sociales et agir concrètement, chaque fois que c’est nécessaire, pour améliorer la vie des gens.
Cette proposition de loi est porteuse d’union et peut être la source d’un beau travail en commun. Nous sommes aujourd’hui quatre-vingts députés, issus de tous les bancs, à l’avoir déposée et nous pouvons trouver sans difficulté une majorité pour qu’elle soit adoptée.
Aujourd’hui, la présidente de la commission des affaires sociales s’oppose à la constitution d’une commission spéciale, sans nous garantir qu’elle mettra toute son énergie pour inscrire ce texte à l’ordre du jour de la commission, ce que nous interprétons comme une opposition à son examen.
Chers collègues, étudions, débattons, complétons, votons ce texte ! Il changera les vies de dizaines de milliers de nos concitoyens et concitoyennes en situation de handicap ! Commençons cet ouvrage en votant en faveur de la création de cette commission spéciale, qui nous permettra de nous mettre concrètement – je dis bien, concrètement – au travail ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI, NG et LR).
Vote sur la constitution d’une commission spéciale Mme la présidente. Je mets aux voix la demande de constitution d’une commission spéciale.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 169 Nombre de suffrages exprimés 162 Majorité absolue 82 Pour l’adoption 48 contre 114 (La demande de constitution d’une commission spéciale n’est pas adoptée).
Mme la présidente. En conséquence, la proposition de loi demeure donc renvoyée à la commission des affaires sociales.