Discussion des articles
Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Avant l’article 1er
(…)
Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 327.
M. André Chassaigne. Chacun comprendra qu’il s’agit d’un amendement d’appel et une demande d’explicitation politique.
Madame la ministre, en aucun cas, les prises de position que peuvent avoir les députés du Front de gauche sur tel ou tel texte ne sont motivées par une posture politique. Nous voterons, je le répète, les textes qui vont dans le bon sens, comme nous l’avons déjà fait aux mois de juillet et de septembre, et nous le referons. Mais nous nous réservons la possibilité de ne pas voter des textes qui, à notre avis, ne vont pas dans la bonne direction pour faciliter le changement. Je tenais à la préciser car la posture politicienne est à l’opposé de notre démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Antoine Herth. Cela s’appelle du pragmatisme !
M. André Chassaigne. Je ne vous demande pas d’applaudir, mais je tenais à cette précision, car j’ai été choqué qu’on ait laissé entendre que notre position pouvait être liée au traité européen. Il y a ici des députés qui ne voteront pas le traité européen et qui, pour autant, soutiennent ce texte !
Mme la présidente. Venez-en à votre amendement.
M. André Chassaigne. Pour en revenir à l’amendement n° 327, la seule chose que je demande, c’est un positionnement sur la loi NOME. Cette loi, nous l’avons combattue ensemble : Daniel Paul – qui ne siège plus dans cet hémicycle – et François Brottes en ont été des adversaires convaincus.
M. Patrick Ollier. Cela, c’est vrai !
M. André Chassaigne. Ils se sont attachés à en démonter les mécanismes et à montrer à quel point elle liquidait le service public. Mais ce que vous avez dit de la loi NOME au moment de sa discussion en décembre 2010 se traduira-t-il au niveau de la politique mise en œuvre par la nouvelle majorité ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Mme la ministre vient de l’évoquer pour le prix du gaz : avec l’alternance, nous nous retrouvons avec un certain nombre d’ardoises…
M. Daniel Fasquelle. Trop facile !
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Nous sommes dans un État de droit, et par le fait tenus de respecter un certain nombre de contrats signés depuis l’adoption de la loi NOME. Ce n’est pas le juriste qu’est M. Fasquelle qui pourra me démentir.
M. Daniel Fasquelle. Moi, je vous demande seulement ce que vous, vous allez faire !
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Je pense notamment à l’usage de l’AREN.
Cette proposition de loi est un premier texte de remise en cause de la loi NOME. J’ai repris les arguments que j’avais utilisés au nom du groupe socialiste pour dire notre opposition à cette loi.
M. Lionel Tardy. On y reviendra.
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Premièrement, j’avais dénoncé l’absence d’effort pour négocier une directive cadre sur les services d’intérêt économique général. Or il ne vous aura pas échappé que, depuis son élection, le Président de la République François Hollande a remis sur la table un certain nombre de sujets qui nous ont permis d’aboutir à des accords qui n’existaient pas du temps de l’ancienne majorité, qu’il s’agisse du pacte de croissance, …
M. Daniel Fasquelle. C’est bidon !
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. …de la taxation à l’échelle européenne des transactions financières,…
M. Patrick Ollier. C’est Sarkozy qui en a parlé le premier.
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. …ou du fait que la dette des États est désormais « dé-spéculée » – pardonnez-moi le terme.
Sur la question de la cohérence entre les directives qui organisent les marchés et la directive climat-énergie, les discussions reprennent, car il faut retrouver le droit chemin, qui ne peut pas laisser le champ libre au « tout marché ». C’est ce à quoi s’attache ce texte, puisque nous revenons en arrière par rapport au « produire plus pour consommer plus ».
Je reprochais aussi à la loi NOME de ne pas prendre de mesures contre la précarité énergétique. L’élargissement du périmètre des taris sociaux est une réponse qui parle d’elle-même.
Je reprochais également à la loi NOME de ne pas prendre en compte l’économie d’énergie et qu’il n’y ait aucun lien avec le paquet énergie-climat. Qu’est-ce que le bonus si ce n’est, enfin, la rémunération de l’économie d’énergie ? On fait des économies et, en plus, on a un bonus parce que les « négawatts » sont enfin payés, ce qui n’était pas le cas à l’époque.
Je reprochais en outre à la loi NOME de ne rien faire pour lutter contre « la pointe ». Je ne dis pas que ce texte sera immédiatement efficace en la matière, mais j’ai expliqué tout à l’heure que l’on pourra utiliser la notion de bonus-malus pour rétablir un dispositif généralisé « heures de pointe, heures creuses », qui a malheureusement disparu.
La loi NOME comportait aussi, en souterrain, la privatisation annoncée de la Compagnie nationale du Rhône. Il ne vous aura pas échappé que notre majorité est totalement opposée à cette disposition.
Tout cela pour vous dire qu’un certain nombre de raisons qui ont conduit notre groupe à voter contre la loi NOME sont aujourd’hui en train d’être levées. Cela ne suffit pas, mais le chemin de la transition énergétique apportera d’autres démonstrations qui nous feront progressivement revisiter significativement ce texte.
Avis défavorable donc.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Je prends acte des explications de M. le rapporteur. Je regrette que Mme la ministre ne profite pas de cet amendement pour émettre son avis sur la loi NOME et indiquer les orientations qu’elle compte mettre en œuvre dans les mois et les années qui viennent. Car il y aura inévitablement une remise en cause de cette loi.
Dans le texte figure l’ouverture à de nouveaux marchés concurrentiels qui s’appuient sur la loi NOME. Je pense en particulier aux entreprises auxquelles on fait appel pour l’effacement de la consommation. En quelque sorte, la loi NOME reste un socle de plusieurs mesures qui sont mises en œuvre dans le texte que vous proposez. Je tenais à le souligner.
Cela étant, je comprends très bien que ce type de petite loi, qui nous est présentée sans trop de concertation, un peu à la hussarde, (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ne permet pas, au détour d’un simple amendement, de supprimer la loi NOME. (Mêmes mouvements.)
M. Martial Saddier. La réponse du berger à la bergère…
M. André Chassaigne. Comme je sais que nous ne la supprimerons pas aujourd’hui, je voulais simplement appeler votre attention sur cette situation. Bien évidemment, je retire mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur – pour quelques instants, M. Chassaigne ayant annoncé qu’il retirait son amendement.
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. J’ai bien compris, madame la présidente, mais je suis déterminé à convaincre André Chassaigne ! Je vais donc m’efforcer de le faire en quelques secondes.
Le texte, monsieur Chassaigne, pose le principe selon lequel nous donnerons désormais priorité à l’effacement de la consommation et non plus à la production complémentaire de consommation qui fait tourner des usines à charbon et à gaz. Mettre en priorité l’effacement des entreprises, l’effacement des consommateurs, ce qu’ils savent parfaitement faire, dans un mécanisme décrit dans ce texte, va précisément à l’encontre de l’esprit de la loi NOME, à savoir produire toujours plus. En l’occurrence, il s’agit d’effacer toujours mieux pour consommer toujours moins.
M. Daniel Fasquelle. On vous abuse, monsieur Chassaigne ! (Sourires.)
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Nous sommes dans un processus qui revisitera assez rapidement la loi NOME dans le sens que vous souhaitez.
M. André Chassaigne. Est-ce le service public qui le fera ?
(L’amendement n° 327 est retiré.)
(…)
Article 1er
(…)
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. La complexité du texte a été abondamment soulignée. Chacun en a bien conscience, comme l’ont démontré les très nombreuses interventions, y compris celles de députés soutenant le texte sans ambiguïté. Toutes les interrogations posées prouvent à quel point cet article sera inapplicable, en raison même de sa complexité.
M. Lionel Tardy. Bravo !
M. André Chassaigne. Nous avons évoqué la prise en compte du critère géographique. Dans ma circonscription, certaines communes subissent des différences d’altitude très importantes : ainsi, la commune de Job est située en partie basse à 492 mètres d’altitude, et 1 631 mètres en partie haute. Cibler au niveau de la commune, partout sur notre territoire, paraît difficile à mettre en œuvre. Mais comment faire autrement, sans verser dans une terrible complexité ? Je ne vois vraiment pas comment ce dispositif pourra être appliqué.
M. Daniel Fasquelle. Écoutez-le ! C’est le bon sens même !
M. André Chassaigne., Nous savons quel est le niveau de vie de certains de nos concitoyens, dont des personnes âgées, qui vivent seules dans des fermes qui sont de véritables passoires énergétiques.
Je souhaite pour le rapporteur, qui est également l’auteur de cette proposition de loi, que celle-ci pourra entrer en application, mais je suis intimement persuadé que cela ne pourra pas se faire.
Le texte prévoit à l’alinéa 25 qu’un service sera mis à la disposition des consommateurs domestiques, et à l’alinéa 10, il mentionne un organisme désigné à cet effet par le ministre chargé de l’énergie, et un peu plus loin encore fait allusion à l’intervention de différents organismes. Ma question est la suivante : fera-t-on appel à des organismes publics ?
La philosophie, pour ne pas dire l’éthique, qui préside à la rédaction de ce texte difficilement applicable, vous portera-t-elle à confier ces responsabilités à des organismes publics ? Ces dispositions conduiront-elles vers plus de maîtrise publique, ou accentueront-elles la dérégulation en faisant appel à des organismes privés, et ce alors même qu’il existe des opérateurs publics parfaitement aptes à remplir ces fonctions ?
La question fondamentale porte donc sur le choix entre la maîtrise publique dans la mise en œuvre cette proposition de loi, ou bien le développement du recours au privé, comme cela fut fait avec l’adoption de la loi sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME.
(…)
M. le président. Précisément, la parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 325.
M. André Chassaigne. Je ne suis pas sûr que mes motivations soient les mêmes que celles des députés de l’opposition. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. En tout cas, le texte est le même.
M. André Chassaigne. À l’appui de mon amendement de suppression de l’article 1er, il revient de nombreuses associations et organisations syndicales l’absence de concertation véritable. Si informations et échanges ont eu lieu à partir de la proposition de loi, il n’y a pas eu, en amont, de véritable négociation, concertation, un vrai débat. C’est un problème.
Si le débat en amont avait eu lieu, nous ne connaîtrions pas les réactions qui s’expriment aujourd’hui, qui ont de multiples origines.
M. Daniel Fasquelle. Bien sûr !
M. André Chassaigne. Ainsi, la CGT – mais Chassaigne cite toujours la CGT, direz-vous – souligne qu’il apparaît dangereux de différencier le prix de l’énergie en fonction de la zone géographique et que, si le droit à l’énergie constitue un droit fondamental, alors l’accès égal à tous doit être garanti. Elle ajoute qu’il s’agit d’une remise en cause de la péréquation tarifaire, ce que vous niez. (« Bien sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) C’est la CGT, direz-vous, mais je peux citer aussi la fédération chimie énergie de la CFDT : ce projet de loi élaboré à la va-vite, sans concertation avec l’ensemble des parties prenantes, comporte plusieurs risques, dont celui de déconstruire la péréquation tarifaire qui assurait un traitement équitable du citoyen quel que soit son lieu d’habitation.
M. Daniel Fasquelle. Et voilà !
M. André Chassaigne. C’est une atteinte au service public et à la cohésion sociale du pays.
M. Germinal Peiro. Il faudrait savoir ce qu’on veut !
M. André Chassaigne. Je pourrais aussi citer Sauvons le climat, association selon laquelle le vote de ce texte est prématuré. Elle considère que si la charge de la gestion était transférée aux distributeurs, le risque serait grand de les voir se saisir de cette opportunité pour peser sur le prix de l’énergie.
M. Daniel Fasquelle. Eh oui !
M. André Chassaigne. Je pourrais en citer encore beaucoup d’autres.
M. Daniel Fasquelle. Moi aussi ! Tout le monde est contre, vous êtes les seuls à être pour !
M. André Chassaigne. C’est dire combien la rédaction de cette proposition de loi n’est pas satisfaisante et que cet article sera absolument inapplicable. S’il y avait eu débat, s’il y avait eu concertation, nous ne serions pas obligés, aujourd’hui, d’échanger sur quelque chose de totalement irréalisable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Antoine Herth. Où est le dialogue social !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, rapporteur.
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. D’emblée, j’indique que, sur l’ensemble des amendements de suppression, la commission a émis un avis favorable…
M. Antoine Herth. Enfin une lueur de lucidité !
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Chacun aura compris que la commission a émis un avis défavorable.
M. Daniel Fasquelle. Cela aurait pu être drôle.
M. François Brottes, rapporteur. Ce n’est pas spécialement drôle, monsieur Fasquelle.
M. Daniel Fasquelle. Vous avez raison, les Français ne vont pas trouver cela drôle du tout.
M. François Brottes, rapporteur. Ce n’est pas parce qu’on répète des contrevérités qu’on finit par avoir raison. Nous sommes au rendez-vous de la caricature et c’est peut-être normal puisque tout le monde n’a pas pu assister au débat en commission ni prendre connaissance du texte.
M. Daniel Fasquelle. Ça suffit ! Il n’y a pas deux types de députés !
M. François Brottes, rapporteur. Je n’ai pas d’injonction à recevoir de votre part, monsieur Fasquelle ! Je vous ai écouté parler et le « ça suffit » est de trop !
M. le président. Écoutons le rapporteur, monsieur Fasquelle, vous aurez la parole tout de suite après.
M. François Brottes, rapporteur. Je ne vois pas comment M. Fasquelle pourrait me dire « ça suffit », monsieur le président.
M. Daniel Fasquelle. Je vais le dire, même si cela ne vous plaît pas !
M. François Brottes, rapporteur. Chacun écoute l’autre, comme il est normal que les choses se déroulent.
Nous nous donnons le temps pour entrer dans le dispositif. L’un d’entre vous proposait de faire le point dans un an ou deux mais, alors, le dispositif ne sera pas en place. Il ne le sera que dans trois ans : c’est en 2015 que l’on pourra faire un constat.
Nous ne sommes que dans le premier étage de tout ce qui concerne la transition énergétique. Le dispositif que nous mettons en place aujourd’hui nécessite, sur le plan administratif, quelques ajustements, qui n’ont rien à voir avec une usine à gaz.
M. Dominique Tian. Ça va péter !
M. François Brottes, rapporteur. Sur ce point, on peut vous faire confiance !
Est-il compliqué de connaître l’adresse de chacun ? Non puisque chacun l’indique sur sa déclaration de revenus. Est-il compliqué d’indiquer la composition fiscale du foyer ? Non, car, je le rappelle, même ceux qui ne paient pas d’impôt font une déclaration de revenus. Cela existe, c’est simple et cela relève du service public, monsieur Chassaigne, puisque c’est l’administration du Trésor, qui, jusqu’à preuve du contraire, n’a pas été privatisée, qui va effectuer cette opération.
M. André Chassaigne. On verra dans la suite du texte !
M. François Brottes, rapporteur. Nous introduisons un troisième élément avec le mode de chauffage. Vous avez été nombreux à souligner l’importance de la source énergétique – gaz, fuel ou électricité – et la nécessité d’intégrer la nuance. C’est plus qu’une nuance, et on indiquera donc le mode de chauffage. Si l’on est au gaz et à l’électricité, on aura un demi-volume de base en gaz et un demi-volume de base en électricité. Jusque-là, il n’y a rien de compliqué. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une usine à gaz puisqu’on ne fait que redire des choses qu’on connaît déjà, hormis le mode de chauffage. Mais ce n’est pas plus compliqué que de déclarer que l’on a ou non la télévision.
M. Lionel Tardy. Et avec un chauffage mixte, on fait comment ?
M. François Brottes, rapporteur. Personne des fournisseurs ou des distributeurs, contrairement à ce que j’ai pu entendre, n’aura connaissance des éléments renseignés sur les feuilles d’impôt. Seule l’administration fiscale y aura accès et c’est elle qui communiquera un volume de base, et seulement un volume de base, pour chacun des ménages.
Pour ce qui est du service public, monsieur Chassaigne, je suis très attentif aux récriminations que vous pourriez faire contre ce texte. Il ne vous a pas échappé que la feuille d’impôt relève de l’administration de l’État, que c’est une institution publique de notre pays, le Médiateur, qui va être chargée d’assister les consommateurs dans l’analyse, le contrôle de leur volume de base. S’agissant de la création d’un service public de la rénovation, nous n’avons pas l’intention de la confier à quelque entreprise privée que ce soit. Vous voyez bien que ces éléments, plus le fait qu’on contrecarre le marché en favorisant plutôt l’économie que la consommation supplémentaire, vont dans le sens de l’introduction de plus de public dans le dispositif. J’espère vous en convaincre.
M. André Chassaigne. Je ferai la démonstration contraire sur d’autres articles !
M. François Brottes, rapporteur. Je ne vous ai pourtant entendu démentir aucun des exemples que je viens de donner. Dans ces quatre exemples, il y a bien renforcement de la puissance publique dans la régulation du secteur de l’énergie. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe UMP.)
M. André Chassaigne. Alinéa 10 !
M. François Brottes, rapporteur. Nous avons donc aujourd’hui des dispositions faciles à mettre en œuvre, même si elles réclament un peu de temps parce qu’il faut collecter l’information et calculer les volumes de base pour l’ensemble de nos concitoyens. Rien de compliqué, donc, rien d’intrusif et aucune fuite de données. En tout état de cause, comme on rentre dans une logique où l’on se donne du temps, on pourra tout à fait, au fil de la réflexion, notamment après l’étude d’impact sur la base du cadre qu’aura voté le Parlement, connaître, avant que Mme la ministre nous présente son projet de loi sur la transition énergétique, l’ensemble des dispositions. À ce moment-là, on pourra éventuellement voir, à la marge, si le dispositif nécessite quelques ajustements complémentaires avant d’être mis en œuvre.
Tout est fait pour qu’on prenne le temps, qu’on se comprenne, qu’on s’explique, à condition d’échanger des arguments en toute transparence et en toute honnêteté.
M. Lionel Tardy. Et nous, nous ne sommes pas honnêtes ?
(…)
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Je m’adresserai d’abord à mes collègues de la gauche : vos objectifs sont très justes et vous avez raison de faire de la sobriété énergétique une priorité absolue. Je l’ai dit à maintes reprises lors de mes interventions dans cet hémicycle, comme en témoignent les comptes rendus des débats et les propositions de loi que j’ai déposées. Je partage complètement l’objectif recherché par la proposition de loi : il n’y a aucune ambiguïté sur ce point.
Plusieurs députés du groupe UMP. Nous aussi !
M. André Chassaigne. Mais on ne pourra atteindre ces objectifs qu’à une condition : la maîtrise publique de l’énergie. Quand je fais allusion au Conseil national de la Résistance, c’est finalement moins pour la péréquation tarifaire que pour l’architecture d’ensemble, qui était précisément la maîtrise publique. Les réponses apportées par cette proposition de loi ne reviennent pas à une meilleure maîtrise publique, or c’est la seule voie qui puisse mener à des solutions durables.
Pour favoriser l’effacement de consommation électrique en période de pointe, pour consommer moins et valoriser des productions d’énergies renouvelables à certains moments de la journée, il faut disposer de mécanismes de régulation. Je partage votre analyse sur ce point, mais il n’est pas normal que cette mission de régulation soit confiée à des sociétés privées : celles-ci vont négocier avec les usagers l’effacement de consommation électrique et la sobriété énergétique et être rémunérées par le service public parce qu’elles auront fait la démonstration qu’elles font économiser de l’argent. Pire encore ! Avec les nouveaux mécanismes financiers, ces entreprises vont spéculer à la bourse de l’énergie, en plaçant les économies qu’elles auront fait faire aux consommateurs.
Je suis d’accord avec vos objectifs, mais confions cette mission au service public (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.), à ERDF, à GRDF et aux établissements qui gèrent l’électricité au niveau local. Si vous faites cela, j’applaudis, mais ce n’est pas ce que prévoit le texte de loi dans son état actuel, et de nombreux amendements déposés vont dans l’autre sens.
Quant aux collègues de la droite, je leur demande de ne pas se réclamer du Conseil national de la Résistance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.). Certains d’entre vous peuvent certainement s’en réclamer historiquement, mais la loi NOME était aux antipodes de l’esprit du Conseil de la Résistance !
(…)
Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n° 388.
M. Denis Baupin. Cet amendement reprend notamment une disposition qui se trouve dans la loi Grenelle sur la RT 2012. Elle concerne la qualité des bâtiments neufs quant à l’utilisation de l’énergie, et donc le calcul à base d’énergie primaire. Cet amendement vise à ce que l’énergie primaire soit bien prise en compte dans l’évaluation des dispositifs et les volumes.
M. Bertrand Pancher. Excellent !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Brottes, rapporteur. Je veux juste préciser, pour le compte rendu, que chaque fois que nous disons « négawatt », cela s’écrit bien avec un « n », pas forcément comme nucléaire, mais comme économie d’énergie. Les négawatts correspondent aux mégawatts qui ne sont pas produits, mais économisés. Je ne dis pas que personne n’y avait pensé, mais nous parlons parfois vite et je préfère donc le préciser.
Je l’ai expliqué tout à l’heure : le sujet est d’économiser l’énergie quelle que soit sa provenance, même s’il s’agit d’énergies renouvelables. En effet, l’énergie la plus renouvelable d’entre toutes est celle qu’on économise et qu’on ne consomme pas : c’est la plus pure, et théoriquement la moins compliquée à produire !
Concernant le gaz, vous savez que le biogaz est aussi une énergie renouvelable. Concernant l’électricité, vous savez que le réseau est aussi alimenté par du photovoltaïque et par de l’éolien. En tout état de cause, il serait difficile de discerner, dans les mégawatts apportés par telle ou telle énergie, la quantité d’énergie primaire. Ce dispositif serait absolument incompréhensible, et ne correspondrait pas tout à fait à la démarche de la présente proposition de loi, laquelle n’a pas vocation à traiter de toutes les questions, son seul but étant de valoriser l’économie d’énergie.
D’autres rendez-vous législatifs nous permettront de répondre, comme ce fut le cas pour la RT 2012, à la question de l’énergie primaire. Ici, il s’agit de valoriser les négawatts, c’est-à-dire l’économie d’énergie, d’où qu’elle vienne. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Puisque l’on parle de négawatt, il ne faut pas oublier non plus le négatep, qui concerne l’équivalent pétrole. Il ne faudrait pas, au nom d’une crispation sur le nucléaire, passer sous silence tout ce qui concerne les énergies carbonées, et favoriser alors le développement de ces énergies, avec des conséquences terribles pour la planète en termes de réchauffement climatique, en particulier pour les populations du Sud, les plus défavorisées.
M. Martial Saddier. Exactement !
M. André Chassaigne. Il ne faudrait pas nous donner une forme de bonne conscience, comme dans certains pays, par un abandon brutal du nucléaire, et ouvrir des centrales thermiques qui augmentent l’émission de gaz à effet de serre et accentuent le réchauffement climatique. Ce n’est pas une bonne formule. Le négawatt, d’accord, mais incluons aussi le négatep dans cette notion.
(…)
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 506.
M. Lionel Tardy. C’est un amendement de précision, qui est intéressant, monsieur Chassaigne.
Les agents EDF et GDF, même quand ils sont en retraite, bénéficient de privilèges tarifaires, avec des exceptions en pagaille, notamment sur des taxes. Il ne faudrait pas que par un tour de passe-passe, ils arrivent aussi à s’exempter du dispositif de bonus-malus.
Cet amendement vise à inscrire explicitement dans la loi leur assujettissement au dispositif, afin d’éviter toute surprise au niveau réglementaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Brottes, rapporteur. Monsieur Tardy, je note que c’est une question que vous n’avez pas posée depuis dix ans. La poser aujourd’hui est un acte de courage qui vous honore.
Le dispositif dont on parle s’applique à tout le monde, mais il n’a pas pour objectif de remettre en cause les accords d’entreprises.
M. Lionel Tardy. C’est vous qui êtes courageux !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Je serai bref, parce qu’il ne s’agit pas de passer des heures sur cette question.
Deux précisions. La première, c’est que certains avantages en nature, et c’est le cas, sont compris dans le contrat de travail. Quand un agent EDF prend ses fonctions, il a un avantage salarial : c’est compris dans son contrat de travail, cela date des lois de nationalisations. Passons sur ce point. On pourra peut-être y revenir.
La seconde, c’est que contrairement à ce que l’on peut penser, cet avantage en nature est fiscalisé. Cela a même été revalorisé il y a peu de temps par l’URSSAF. Un agent qui profite d’un avantage en nature en termes de tarifs d’électricité est fiscalisé sur cet avantage en nature.
M. Martial Saddier. C’est faux.
M. André Chassaigne. Si, c’est vrai.
Il n’a donc pas intérêt à avoir une consommation disproportionnée, parce qu’il paiera d’autant plus que sa consommation sera forte.
M. Martial Saddier. Faux !
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth.
M. Antoine Herth. M. Chassaigne évoque le fonctionnement d’EDF. Dans le cadre de sa politique promotionnelle, cette entreprise finance des réhabilitations thermiques modèles, pour montrer comment on peut transformer une maison ancienne en maison BBC. On pourrait aussi imaginer qu’EDF ait une action à destination de ses salariés en les incitant à être des exemples en matière d’utilisation de l’énergie, eux qui précisément travaillent pour assurer l’autonomie énergétique de la France.
Je déplore que le rapporteur n’accepte pas l’amendement de M. Tardy, qui va dans ce sens. L’entreprise devrait s’honorer de faire un travail avec ses salariés dans cette direction.
(L’amendement n° 506 n’est pas adopté.)
(…)
Mme la présidente. Je suis en effet saisie de cinq amendements, nos 23, 24, 25, 2 et 26, que pouvez défendre en même temps que l’amendement n° 3, monsieur Saddier.
Je me permets, avant de vous donner la parole pour soutenir ces amendements, de préciser que, sur les amendements nos 3, 23, 24, 25, 2 et 26, j’ai été saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Poursuivez, monsieur Saddier.
M. Martial Saddier. Nous arrivons, pourquoi ne pas le dire, à un moment solennel dans cet hémicycle, où nous allons pouvoir vérifier si la majorité est soucieuse, comme elle a eu le loisir de nous le rappeler depuis le début de l’examen de ce texte, d’équité et de transparence. Je voudrais relire, monsieur le rapporteur, ce que vous écrivez dans l’exposé des motifs de la proposition de loi n° 150 : « Le second objectif est d’accompagner la hausse inéluctable des prix de l’énergie. La tension sur les marchés d’hydrocarbures, l’accroissement des coûts du nucléaire, tout concorde pour laisser penser que les prix de l’énergie vont augmenter. » Écoutez la suite : « Les ménages paieront à l’avenir plus cher leur énergie. Mais une augmentation mécanique poserait un problème d’équité. » Il s’agit bien d’équité, donc.
Vous affirmez également, monsieur le rapporteur, et toujours dans l’exposé des motifs, que cette proposition de loi « constitue le premier acte d’une mobilisation générale en vue d’économiser massivement l’énergie. Il s’agit de responsabiliser chaque ménage, dans une approche à la fois sociale et écologique. Sociale, parce que l’énergie est un bien essentiel dont personne ne doit être exclu pour ses besoins vitaux. Écologique, car la lutte contre l’effet de serre ou les surinvestissements dans la production énergétique passent par un changement de modèle de consommation, donc de tarification. »
Je n’ai pas – et je pense pouvoir parler au nom de mes collègues UMP – un mot à changer dans cette déclaration, monsieur le rapporteur.
Les amendements que je défends découlent d’un premier amendement. Si nous les défendons, c’est d’ailleurs parce que vous avez refusé d’adopter le premier amendement, qui proposait que le tarif spécial des agents des grands distributeurs d’énergie, notamment de l’électricité et du gaz, soit soumis au bonus-malus.
M. Lionel Tardy. C’est l’amendement Tardy !
M. Martial Saddier. Avec tout ce que l’on a entendu en matière d’équité, et au moment où nous demandons à tout le monde de faire des efforts, comment l’Assemblée peut-elle refuser que près de 300 000 personnes, dans notre pays, n’en fassent aucun ? Nous ne critiquons pas pour critiquer. Le Président de la République a fait des efforts au niveau du budget de l’Élysée en diminuant son salaire. Le nouveau président de l’Assemblée nationale en a fait aussi, dans le sillage de son prédécesseur. Nous savons toutes et tous, au-delà des débats et des joutes politiques, que nous demandons des efforts aux Françaises et aux Français.
Refuser l’amendement Tardy et exonérer délibérément 300 000 personnes du dispositif de bonus-malus dont nous discutons, c’est déjà sujet à discussion. Mais ce n’est rien à côté du refus éventuel des présents amendements.
Je tiens tout d’abord à préciser que nous ne sommes pas opposés aux accords d’entreprise. Ils sont louables. Il en existe dans toutes les entreprises. Je prendrai deux exemples. Je connais une compagnie aérienne qui permet à ses salariés, grâce à un accord d’entreprise, de bénéficier au dernier moment, c’est-à-dire au moment de l’embarquement et à condition que des places soient disponibles, de tarifs préférentiels sur les billets d’avion. De toute façon, l’avion part qu’il y ait ou non un agent de la compagnie à bord, et cet agent ne peut embarquer, avec un tarif préférentiel, que s’il y a un siège disponible. Second exemple : de grands constructeurs automobiles font bénéficier leurs salariés d’un tarif préférentiel pour l’achat d’une automobile. Ce tarif préférentiel correspond tout simplement au fait qu’il n’y a ni acte commercial ni déplacement du véhicule, puisque le salarié, par définition, fait partie de l’entreprise et qu’il achète directement.
Que dire du tarif spécial des agents dont nous parlons et qui sont visés par ces six amendements ? Écoutez-moi bien mes chers collègues, mais vous le savez toutes et tous, 90 % du coût de l’énergie est pris en charge par la société au niveau de la résidence principale. Cet accord date de 1946. Il n’a jamais été modifié, à tel point qu’il est même encore rédigé en centimes de francs ! Il s’applique non seulement à la résidence principale, mais aussi à trois résidences secondaires.
Que dire de la douce plaisanterie de M. Chassaigne, qui est intervenu tout à l’heure pour dire qu’il n’y avait pas de problème parce que l’URSSAF prenait en charge cet avantage en nature !
M. André Chassaigne. Il y a eu fiscalisation !
M. Martial Saddier. C’est une douce plaisanterie ! Nous savons toutes et tous, monsieur Chassaigne, qu’un forfait a été négocié entre l’administration fiscale et la société en question, qui fait que la prise en charge et la réintroduction sont tout à fait négligeables par rapport à ce à quoi sont confrontés l’ensemble de nos concitoyens. Quand on ne paie pas, on est, bien évidemment, moins attentifs – c’est d’ailleurs, sur le fond, tout le sens de votre proposition, monsieur le rapporteur. La Cour régionale des comptes, mes chers collègues, a montré qu’en moyenne, la consommation était multipliée par trois, tout simplement parce que les gens n’étaient pas amenés à faire attention.
Qu’en est-il du coût de cette mesure ? Monsieur Brottes, vous nous avez donné des leçons depuis le début de l’examen de ce texte, en commission puis dans cet hémicycle, en nous disant que nous ne devions pas faire peser nos dépenses d’énergie sur nos enfants, sur nos petits-enfants, sur les générations futures et qu’il fallait trouver des moyens de financement. Nous sommes favorables à la transition énergétique, à l’abaissement du poids du nucléaire et au développement des énergies alternatives. Aujourd’hui, le coût de cette mesure dans le budget des grands distributeurs est estimé à 2,3 milliards d’euros ! Oui, mes chers collègues, 2,3 milliards d’euros !
Puisque nous sommes toutes et tous soucieux d’évolution, de changement, de transition énergétique, d’équité, de transparence, de justice sociale – on nous a abreuvés de ces mots en commission et dans cet hémicycle –, je suis intimement convaincu que les amendements nos 3, 23, 24, 25, 2 et 26 vont être adoptés par cette assemblée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons demandé un scrutin public.
M. Lionel Tardy et M. Thierry Mariani. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?
M. François Brottes, rapporteur. L’indignation surjouée de M. Saddier…
M. Lionel Tardy. Non, c’est de justice sociale qu’il s’agit !
M. François Brottes, rapporteur. …lui fait oublier que, depuis dix ans, il soutient une majorité…
Mme Delphine Batho, ministre. Tout à fait !
M. François Brottes, rapporteur. …qui a cheminé tranquillement avec un ministre de l’économie, Nicolas Sarkozy, qui a privatisé Gaz de France, qui a changé le statut d’EDF…
Mme Delphine Batho, ministre. En société anonyme !
M. François Brottes, rapporteur. …en société anonyme. J’ai été présent de bout en bout lors de tous ces débats, et à aucun moment je n’ai entendu M. Saddier et ses collègues s’indigner de ce dont ils s’indignent aujourd’hui. C’est étrange. Je prends simplement acte du fait que c’est une indignation à géométrie variable.
M. Fasquelle, qui, au début de ce débat, a valorisé les acquis du Conseil national de la Résistance, devrait peut-être rapidement revenir, parce que vous venez de les mettre en cause, considérant qu’ils étaient nuls et non avenus. Je note, là aussi, qu’il y a quelque inconséquence dans l’argumentation développée.
Il faut effectivement dire les choses. Le dispositif dont nous parlons, comme la CSPE – contribution au service public de l’énergie –, a vocation à être universel, et il s’applique à tous. Simplement, dans le cas précis, comme pour la CSPE, notre texte de loi n’a pas vocation à remettre en cause les accords d’entreprise. Vous avez d’ailleurs dit vous-même que vous ne les remettiez pas en cause.
Les avantages en nature des salariés des industries électriques et gazières – ce que l’on appelle le « tarif agent » – sont soumis à fiscalité : impôt sur le revenu, TVA. Ils sont soumis à l’ensemble des prélèvements sociaux : CSG, CRDS, cotisations de sécurité sociale, maladie, accidents du travail, famille et solidarité, autonomie et adossement au CNAVTS. La valorisation de l’avantage est fixée par un barème actualisé chaque année, au 1er janvier, après validation de la direction générale des impôts. Donc, le dispositif est universel, comme la CSPE. L’avantage en nature subit les taxations que je viens d’évoquer. C’est ce que prévoit l’accord d’entreprise, que ce texte ne remettra en aucun cas en cause.
Vos amendements visent à remettre en cause un accord d’entreprise. Je note que cette idée est soudaine pour vous, puisque, depuis dix ans, vous n’en aviez pas pris l’initiative. On voit donc bien que votre objectif est simplement d’alimenter une polémique et de stigmatiser telle ou telle catégorie de la population.
M. Martial Saddier. C’est laborieux, monsieur le rapporteur !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le rapporteur a tout dit. Cet élément fait partie intégrante du statut des agents, qui est la résultante de l’histoire. Il est fiscalisé depuis 1985.
De plus, je ne partage pas la vision caricaturale développée par les auteurs de ces amendements, qui considèrent que les agents des entreprises et des industries de l’énergie auraient des comportements dispendieux, de surconsommation.
M. Martial Saddier. C’est la Cour régionale des comptes qui le dit !
Mme Delphine Batho, ministre. Cette caricature ne correspond en rien à la réalité.
Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Je voulais d’abord dire à mon collègue Saddier et à ses acolytes que ce type d’amendement est très significatif de leur façon de penser. Mes chers collègues, c’est chez vous une sorte de crampe mentale : vous êtes continuellement obsédés par la volonté d’opposer les uns aux autres ! Vous opposez le travailleur pauvre au chômeur. Vous opposez le Français de souche à l’immigré. Vous opposez celui qui réussit au niveau scolaire à celui qui est en situation d’échec. C’est ce que l’on appelle une forme de sélectivité. Créer des tensions dans notre pays, c’est cela qui vous obsède. C’est aussi le citoyen opposé au député, le revenu du smicard opposé à l’indemnité représentative de frais de mission du député. On ne peut pas en sortir ! Votre état d’esprit est lamentable, je le dis.
Mais vous êtes très sélectifs. Je pourrais vous citer d’autres mesures susceptibles de vous intéresser.
M. Lionel Tardy. Vous défendez votre fonds de commerce !
M. André Chassaigne. Puisque l’on parle d’avantages en nature, je pourrais vous parler des ristournes que certains salariés de la grande distribution peuvent avoir sur leurs achats. Cela peut être le cas à l’occasion de l’achat d’une automobile. On pourrait mettre en cause certains services gratuits : le transport SNCF, l’avion. Cela nous concerne nous aussi, en tant que députés, et sur ce point, nous pouvons avoir le peuple contre nous. On peut aussi considérer qu’il est anormal que le gardien d’un immeuble ne paie pas de loyer. Il en va de même des entrées de spectacles pour des gens de culture. Il est possible de trouver dans notre société de multiples motifs permettant de remettre en cause certaines catégories de notre société. On peut trouver de multiples raisons de s’offusquer un peu trop facilement ! Et parfois, à cet égard, il faut balayer devant sa porte ! Que chacun regarde son propre comportement et ses propres avantages !
Votre façon de penser est très sélective. Mettez-vous en cause, par exemple, les salaires des grands patrons, le salaire du patron d’EDF, par exemple ? Mettez-vous en cause les gains des actionnaires, puisque vous avez privatisé EDF ? Mettez-vous en cause les investissements hasardeux qui ont pu être faits à l’étranger ? Mettez-vous en cause les frais financiers que les banques font supporter quand on fait des investissements publics dans notre pays ? Non, bien sûr ! Vos mises en cause concernent toujours les plus modestes de notre société !
Vous pourriez aller plus loin et interdire, par exemple, à l’ouvrier boulanger de prendre son pain lorsqu’il sera cuit. Qu’on le force à sortir de sa boulangerie pour aller acheter son pain en face ! Vous allez aussi interdire au pêcheur de prendre sa part sur la pêche, parce qu’il n’y a pas de raison qu’il puisse se servir à l’arrivée du bateau ! Il doit aller au supermarché d’en face, la grande distribution se faisant au passage son bénéfice !
On peut trouver de multiples exemples. Ce type d’argumentation…
M. François Brottes, rapporteur. Populiste !
M. André Chassaigne. …est d’une très grande pauvreté morale et intellectuelle. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(…)
Je vais maintenant mettre au voix l’amendement n° 3.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l’adoption 8
contre 48
(L’amendement n° 3 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 23.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l’adoption 8
contre 48
(L’amendement n° 23 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 24.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l’adoption 8
contre 48
(L’amendement n° 24 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 25.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l’adoption 8
contre 48
(L’amendement n° 25 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 2.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 52
Nombre de suffrages exprimés 52
Majorité absolue 27
Pour l’adoption 6
contre 46
(L’amendement n° 2 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 26.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 54
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l’adoption 8
contre 46
(L’amendement n° 26 n’est pas adopté.)
(…)
Article 3
Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement de suppression, n° 324.
M. André Chassaigne. Avant même d’avoir dit quelques mots pour défendre cet amendement, je devine les cris que va pousser le rapporteur comme ces gorets que l’on égorge au petit matin devant une ferme alpine. (Sourires.)
M. Lionel Tardy. Nous, nous le voterons votre amendement !
M. André Chassaigne. Il va dire : « Allons donc, André Chassaigne est opposé à l’élargissement du champ des bénéficiaires des tarifs sociaux ».
M. François Pupponi. C’est vrai !
M. André Chassaigne. Si je propose la suppression de l’article 3, c’est en raison de son caractère particulièrement imprécis et insuffisant. Il nous est en quelque sorte demandé, pour utiliser une expression auvergnate que j’ai citée à d’autres occasions, d’« acheter un âne dans un sac ».
Comment sont prises en compte les différentes situations de précarité énergétique dans cet élargissement des bénéficiaires des tarifs sociaux ? Quels financements seront mis en œuvre ? Seront-ils supportés uniquement par la contribution au service public de l’électricité, c’est-à-dire par les usagers, ou d’autres financements ont-ils été envisagés par l’auteur de la proposition de loi ?
Bref, cet amendement va donner l’occasion au rapporteur de s’expliquer avec précision sur la méthode qu’il entend mettre en œuvre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Brottes, rapporteur. Je vous remercie, monsieur Chassaigne, pour l’élégance de vos propos concernant les cris que pourrait pousser le rapporteur : c’est toujours agréable…
M. André Chassaigne. Je n’ai pas voulu vous souhaiter une bonne fête !
M. François Brottes, rapporteur. D’autant qu’il est minuit passé : c’est trop tard, il fallait y penser avant ! Je n’aurais pas été déçu…
J’ai bien compris que vous n’étiez pas disposé à ce que l’on élargisse le périmètre des tarifs sociaux, et que vous souhaitiez au contraire supprimer cette disposition.
M. André Chassaigne. Vous avez mal compris !
M. François Brottes, rapporteur. Je vous rappellerai donc qu’aujourd’hui, seuls 650 000 ménages en bénéficient. Avec notre texte, le seuil d’éligibilité sera fixé autour de 516 euros de revenu fiscal et permettra à 4,2 millions de ménages, soit 8 millions de personnes vivant dans la précarité, de bénéficier de ces tarifs sociaux.
Le nombre de bénéficiaires sera triplé : c’est une avancée considérable ! Je vous sais attaché à la lutte contre la précarité, aussi ne puis-je considérer votre amendement autrement que comme une provocation, pour obtenir du rapporteur je ne sais quelle…
M. André Chassaigne. …précision !
M. François Brottes, rapporteur. J’allais dire éructation, si vous me permettez ce terme. Cet amendement est une provocation : je vous demande donc de bien vouloir le retirer.
Vous m’avez posé par ailleurs une question sur le financement. Il entraînera une augmentation de 630 millions d’euros : ce n’est pas une paille !
Le financement proposé est traditionnel. C’est du reste le seul sur lequel une proposition de loi peut s’appuyer, puisque toute autre initiative risquerait la censure au titre de l’article 40 de la Constitution.
Le financement proviendra de la CSPE pour l’électricité et de la CTSS pour le gaz, l’assiette de ces deux contributions étant très large puisqu’elle repose à la fois sur les ménages et les entreprises. L’incidence sur les factures est évaluée de 3 à 3,50 euros par an en moyenne.
La solidarité s’appuie ainsi sur l’ensemble des acteurs économiques et domestiques du pays, en recourant à des modes de financement de tarifs sociaux qui existent déjà.
Grâce à cette disposition à laquelle, j’imagine, vous finirez par adhérer, les précaires ne peuvent désormais plus être exclus de la solidarité nationale, comme ils l’étaient auparavant.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Défavorable : je partage l’étonnement de M. le rapporteur concernant cet amendement, qui propose de supprimer un article de justice sociale et de progrès.
Je souhaite également souligner que les tarifs sociaux représentent 2,3 % des charges prévisionnelles de la CSPE. Ce sont surtout le développement des énergies renouvelables et les enjeux de continuité territoriale qui pèsent aujourd’hui, très majoritairement, dans la CSPE.
Je voulais enfin informer M. André Chassaigne que nous aborderons la réforme de la CSPE lors du débat sur la transition énergétique : cette question n’est donc pas balayée du revers de la main.
L’enjeu est réel, et nous devrons en discuter, mais rien ne doit faire obstacle à l’élargissement immédiat des tarifs sociaux, pour faire face à des situations toujours plus nombreuses de précarité énergétique.
Mme la présidente. Monsieur Chassaigne, j’ai entendu vos éructations (sourires).
M. André Chassaigne. Merci, madame la présidente.
N’étant pas le seul de ma sensibilité à travailler sur ce texte, je laisserai le soin aux sénateurs d’analyser vos réponses. Je retire donc mon amendement.
(L’amendement n° 324 est retiré.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 322 et 417. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 322.
M. André Chassaigne. Cet amendement est un cadeau fait à M. Brottes : comme il a accordé énormément d’amendements à la droite de cette assemblée, j’ai tenté de trouver un amendement qu’il pourrait accorder à la gauche de la gauche…
Il s’agit donc d’un amendement de précision, confirmant que le service public local de fournitures couvre les consommateurs qui bénéficient non seulement des tarifs réglementés mais également du tarif spécial de solidarité.
Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n° 417.
M. Denis Baupin. Sans vouloir vexer M. Chassaigne, cet amendement n’est pas déposé seulement par la gauche de la gauche, mais également par les écologistes.
Nous partageons le même point de vue : ces dispositifs doivent en effet être cohérents et en convergence pour la question du gaz.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Brottes, rapporteur. Je ne ferai pas de logorrhée, sinon M. Chassaigne va m’inviter à pousser des cris d’orfraie…
Tout à l’heure, il faisait tout son possible pour que le périmètre des tarifs sociaux ne puisse pas être élargi aux plus précaires et aux plus démunis. Et je suis encore inquiet car il a demandé au Sénat d’aller dans ce sens. Mais j’espère que nos collègues sénateurs auront compris qu’il s’agit de protéger les plus précaires.
Nous vivons un grand moment de rassemblement et d’unité de la gauche et des écologistes s’agissant d’une préoccupation qui est partagée sur la quasi-totalité de ces bancs. Et je suis presque sûr que ces dispositions seront votées par l’opposition.
M. Martial Saddier. Vous n’avez pas voulu nous associer aux amendements et nous en souffrons encore !
M. François Brottes, rapporteur. Monsieur Baupin, monsieur Chassaigne, je souhaite que vous retiriez vos amendements au bénéfice de l’amendement n° 285 de Mmes Massat et Fabre.
Mme Massat a proposé à M. Baupin de s’associer à cet amendement, ce qu’il a accepté et je ne doute pas qu’elle souhaitera aussi que M. Chassaigne soit adopté (Sourires),…
M. André Chassaigne. Je veux bien être adopté…
M. François Brottes, rapporteur. …pardon associé à l’amendement n° 285 qui embrasse la totalité de la problématique.
(Les amendements identiques nos 322 et 417 sont retirés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat, pour soutenir l’amendement n° 285, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 507.
Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Il a été tellement porté par le rapporteur que j’hésite à présenter cet amendement, qui permet de rétablir la possibilité juridique pour les autorités organisatrices de la distribution des énergies en réseau de contrôler la mise en œuvre du tarif de première nécessité et du tarif spécial de solidarité.
Comme vous l’avez dit, les collectivités ont un rôle important à jouer dans la lutte contre la précarité énergétique.
Je propose donc d’associer M. Baupin et M. Chassaigne à cet amendement cosigné par Mme Fabre.
M. André Chassaigne. Volontiers, madame Massat !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 507 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 285.
M. François Brottes, rapporteur. Le sous-amendement n° 285 gère l’impact de l’amendement de Mme Massat dans le code puisqu’il faut, par coordination, prendre un certain nombre de dispositions techniques pour réécrire les choses.
Sous réserve de l’adoption du sous-amendement, je suis très favorable à l’amendement présenté par Mme Massat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Très favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand Pancher. Je ne veux pas donner l’impression que seule la majorité est favorable à ce dispositif. Nous étions très inquiets en effet de la disparition du rôle des autorités organisatrices de distribution. Le syndicat d’électrification de la région parisienne vérifiait les tarifs de première nécessité, même si ce n’était pas le cas de toutes les autorités organisatrices.
Madame Massat, cet amendement vise-t-il à permettre aux AOD de conserver la totalité de leur mission de contrôle de la tarification sociale ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat.
Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. L’amendement précise bien que les autorités organisatrices de distribution contrôlent la mise en œuvre de la tarification dite « produit de première nécessité » et du tarif spécial de solidarité. Il s’agit donc de réintroduire dans le texte une disposition qui avait disparu.
(Le sous-amendement n° 507 est adopté.)
(L’amendement n° 285, sous-amendé, est adopté.)
(L’article 3, amendé, est adopté.)
(…)
Après l’article 5
Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au règlement.
M. André Chassaigne. Madame la présidente, je souhaite également faire un rappel au règlement. Celui-ci porte d’abord sur l’organisation de notre travail. On passe d’un amendement à un autre sans les retrouver dans notre liasse. Un peu de respect pour le travail parlementaire ! Qu’on nous présente les amendements dans le bon ordre ! On ne peut pas suivre une discussion de cette façon !
M. Lionel Tardy. Tout cela pour une question de présidence…
M. André Chassaigne. De façon solennelle, je me tourne vers mes collègues de la majorité de gauche. Qu’on se permette à cette heure, sans discussion ni véritable travail approfondi, de vouloir jeter en l’air toute la politique d’encadrement relative aux éoliennes qui avait été mise en œuvre, n’est pas acceptable.
M. Lionel Tardy et M. Martial Saddier. Bien sûr ! Tout à fait !
M. André Chassaigne. Je ne parle pas seulement des décisions qui seront prises, mais aussi de la méthode employée. Mesurez le choc dans le pays lorsqu’on apprendra que cette nouvelle Assemblée, qui met en avant des principes et des valeurs, se permet de se comporter de cette façon. Pour répondre à quoi ? À quelques intérêts locaux ? À quelques frustrations passées ? Comment peut-on faire passer, sans réflexion approfondie, des amendements de ce genre ?
M. Martial Saddier. Monsieur Chassaigne, nous vous rejoignons !
M. André Chassaigne. Je le dis en pesant mes mots : j’ai honte pour vous si vous vous comportez de cette façon. J’aurai l’occasion de le dire et de le redire. Vous pourrez mesurer l’impact de vos méthodes sur la population qui rejette le milieu politique. Soyons dignes dans notre fonctionnement, et n’allons pas faire passer de façon cavalière des amendements qui n’ont pas été réfléchis, pour satisfaire quelques intérêts particuliers, voire des intérêts d’industriels. Ici, nous sommes pour l’intérêt général ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Brottes, rapporteur. J’aimerais que nous retrouvions le calme, sinon la sérénité…
M. André Chassaigne. Avec de telles méthodes, nous n’aurons pas le calme ! Vous utilisez des méthodes de voyous !
M. François Brottes, rapporteur. « Voyou » après « goret », veuillez vous retenir, monsieur Chassaigne… Cela suffit !
M. André Chassaigne. Je le répète, et je le redirai publiquement !
M. François Brottes, rapporteur. Lorsque la précédente majorité a arrêté de financer le photovoltaïque par le tarif d’achat, je ne crois pas qu’il y ait eu une grande concertation avec l’Assemblée nationale.
M. André Chassaigne. Et la mission d’information, alors ? J’en étais membre !
M. Philippe Plisson. Voulez-vous que je vous rappelle par le menu ce qui s’y est passé, y compris d’étranges coalitions ?
M. François Brottes, rapporteur. Lorsque la mission d’information a été mise en place, notre collègue Philippe Plisson, ici présent, en était membre, et je crois me souvenir qu’il en avait claqué la porte parce qu’aucune des préconisations portées par le groupe SRC n’avait été retenue. Vous pouvez brandir le rapport tant que vous voulez : tout a été fait pour que l’éolien terrestre ne voie quasiment jamais le jour.
M. Martial Saddier. Il y a eu six mois de travaux !
M. Bertrand Pancher. C’est inadmissible !
M. François Brottes, rapporteur. Aujourd’hui, nous constatons que les énergies renouvelables ont du mal à avancer.
Monsieur Chassaigne, quels que soient les mots que vous avez utilisés, vous m’avez donné des leçons sur le négawatt. Vous avez vous-même cité trois aspects : la sobriété, l’efficacité et le développement des énergies renouvelables. Je vous sens dans une colère rouge…
M. André Chassaigne. À deux heures du matin, oui ! On ne règle pas ces questions à une telle heure en votant des amendements qui n’ont pas été travaillés !
M. François Brottes, rapporteur. …vous plaignant du fait qu’aujourd’hui, le Gouvernement envisage effectivement utilement de faire en sorte que les énergies renouvelables soient pleinement présentes dans ce texte…
M. André Chassaigne. À deux heures du matin !
M. François Brottes, rapporteur. …qui s’intitule « proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre ».
M. André Chassaigne. Quelle conception de la démocratie !
Mme la présidente. Monsieur Chassaigne, seul M. Brottes a la parole.
M. François Brottes, rapporteur. Monsieur Chassaigne, vous êtes ici représentant du peuple comme l’ensemble de nos collègues, élus démocratiquement. Nous avons la mission de faire évoluer le droit, notamment en faveur d’une transition énergétique et du négawatt qui intègre le fait que l’on déverrouille les énergies renouvelables qui sont aujourd’hui, passez-moi l’expression, un peu plantées dans leur développement. Les chiffres sont là pour le démontrer. Nous avons, dans le cadre de cette transition vers un système énergétique sobre, à réfléchir ensemble…
M. Martial Saddier. Non, pas ce soir ! Ce n’est pas acceptable !
M. François Brottes, rapporteur. …pour trouver les bonnes solutions qui s’imposent, un peu dans l’urgence – il faut le reconnaître –, face à cette situation de péril pour les énergies renouvelables.
M. Lionel Tardy. Arrêtons tout !
M. Martial Saddier. Si vous voulez continuer, nous multiplierons les demandes de suspension de séance !
M. François Brottes, rapporteur. Je tenais à rappeler ces éléments. Sinon, on réécrit l’histoire, ce qui n’est pas tout à fait convenable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Nous sommes engagés résolument dans une politique de transition énergétique qui repose en grande partie sur le développement des énergies renouvelables. La France a pris un grand retard. Ce qui a été discuté pendant deux jours lors de la conférence environnementale – parce que la discussion et la concertation ont bien été engagées –, c’est la nécessité absolue de prendre aujourd’hui des mesures d’urgence pour le développement des énergies renouvelables, sans même attendre l’issue du débat sur la transition énergétique.
M. Bertrand Pancher. Pas à deux heures du matin !
Mme Delphine Batho, ministre. Pourquoi ? Parce que la filière solaire a été détruite. 10 000 emplois ont été détruits : il y a donc des mesures d’urgence pour la filière solaire. De même, l’énergie éolienne a connu en 2011 un tassement considérable dû à la création d’un empilement administratif qui ralentit les projets. Sur un objectif de 19 000 mégawatts fixé par le Grenelle de l’environnement, nous sommes aujourd’hui à 6 870 mégawatts, alors même que l’énergie éolienne terrestre est la plus compétitive parmi les énergies renouvelables, puisqu’elle revient à 82 euros par kilowattheure, ce qui est à peu près le même prix que l’électricité produite au moment de la pointe en hiver.
M. Lionel Tardy. Faites donc un texte spécifique !
Mme Delphine Batho, ministre. Monsieur Chassaigne, les amendements que je vais présenter au nom du Gouvernement, lorsque Mme la présidente m’y invitera, sont des amendements travaillés. Ils ne vous permettront certainement pas de dire que nous allons transformer la France en ventilateur. Nous allons supprimer un dispositif, ce qui a été d’ailleurs annoncé clairement par le Premier ministre lors de la conférence environnementale. Personne n’est donc surpris : il n’y a pas d’amendement qui sort du chapeau au dernier moment.
Plusieurs députés du groupe UMP. Si ! Ce n’est pas acceptable !
Mme Delphine Batho, ministre. La suppression du dispositif des ZDE a été annoncée par le Premier ministre en toute clarté. Vous verrez, lors de la discussion, qu’un certain nombre de procédures sont maintenues, en particulier la procédure d’ICPE : par conséquent, il y aura toujours une enquête publique, et les élus locaux comme les citoyens seront toujours consultés dans le cadre d’un projet d’implantation d’éolienne. Cette mesure de simplification, qui vise à soutenir le développement de l’énergie éolienne en France, ne consiste en aucun cas en une déréglementation généralisée. Je pense que la discussion le démontrera. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Je m’étonne de quelques indignations sélectives. Parce qu’on défendrait les énergies renouvelables, on défendrait des intérêts particuliers ? C’est ce que vous avez déclaré, monsieur Chassaigne !
M. André Chassaigne. Pas du tout ! C’est la méthode que je dénonce !
M. Denis Baupin. Je vois bien des convergences qui se forment ici dès qu’il est question de développer les énergies renouvelables.
Pourtant, quelle est la nouveauté ? Qui découvre le besoin de développer les énergies renouvelables, et les engagements de la France en la matière ? Qui découvre l’existence d’un débat dans ce pays depuis de nombreuses années ? Le Grenelle de l’environnement aurait été l’occasion d’un débat s’il n’avait pas été torpillé par l’Assemblée nationale et par les amendements de M. Ollier. Les éoliennes auraient alors pu se développer dans ce pays !
M. Lionel Tardy et M. Martial Saddier. C’est n’importe quoi ! Au moins, on discutait pendant le Grenelle ! On n’agissait pas en catimini, en séance de nuit !
M. Denis Baupin. Nous constatons aujourd’hui, comme vient de le rappeler Mme la ministre, que des blocages ont été organisés pour empêcher des créations d’emplois. Monsieur Chassaigne, je m’étonne que vous ne vous fassiez pas le défenseur des emplois qui peuvent être créés dans le domaine des énergies renouvelables.
Concernant les discussions, Mme la ministre a rappelé que nous avions débattu lors de la conférence gouvernementale.
M. André Chassaigne. Deux jours ! Quels grands démocrates !
M. Denis Baupin. Lorsque le rapporteur de la commission des affaires économiques a proposé un changement du titre de sa proposition de loi, il a clairement indiqué dans l’exposé des motifs que la question du développement de l’éolien était incluse dans les propositions qu’il souhaitait défendre.
Par ailleurs, il y a quelques jours, la commission du développement durable a auditionné un certain nombre d’acteurs des énergies renouvelables, ici même dans cette Assemblée.
Ceux qui s’intéressent et ont envie de développer les énergies renouvelables ont l’occasion de venir débattre. Les propositions portées dans ce débat sont, en tout cas pour celles défendues par mon groupe, discutées depuis longtemps. Une bonne partie d’entre elles auraient d’ailleurs pu être mises en œuvre depuis longtemps, puisqu’elles étaient issues du Grenelle de l’environnement, mais il y a eu des blocages. Le changement, c’est maintenant. C’est l’occasion de rattraper le retard.
Après l’article 12 (Amendement précédemment réservé)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous propose de demander à Mme la ministre de présenter l’amendement n° 461.
Plusieurs députés du groupe UMP. Non ! C’est scandaleux !
Mme la présidente. Vous aurez l’occasion d’intervenir sur ces amendements. La parole est à Mme la ministre.
Plusieurs députés du groupe UMP. Rappel au règlement !
M. André Chassaigne. Ils sont où, ces amendements ?
Mme Delphine Batho, ministre. L’amendement n° 461 propose de supprimer l’obligation d’implantation au sein d’une zone de développement éolien terrestre pour pouvoir bénéficier de l’obligation d’achat. De nombreux arrêtés préfectoraux concernant les ZDE ont été annulés par les tribunaux administratifs : aujourd’hui, une insécurité juridique entoure les projets d’implantations d’éoliennes.
Il y aura toujours une planification assurée par les schémas régionaux éoliens annexés aux schémas régionaux climat air énergie. Il y aura donc toujours un outil de planification relatif aux implantations éoliennes. Par ailleurs, il y aura toujours une procédure permettant de s’assurer de la maîtrise de l’ensemble des aspects environnementaux, au travers de l’autorisation au titre des installations classées pour la protection de l’environnement. Il y aura donc toujours, aussi, une procédure d’enquête publique.
Non seulement cet amendement permettra une meilleure sécurité juridique tout en maintenant un haut niveau de protection de l’environnement, mais il facilitera et simplifiera les procédures.
Les mesures d’urgence proposées par le Gouvernement en faveur des énergies renouvelables, qui ont été discutées à la Conférence environnementale, représentent la création de 5 000 emplois ce qui, dans le contexte actuel, est bienvenu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Brottes, rapporteur. Cela a été dit, la commission n’a pas examiné cet amendement.
M. Martial Saddier. Merci de le préciser !
M. François Brottes, rapporteur. Ce sont des choses qui arrivent.
M. Lionel Tardy. C’est scandaleux ! S’agissant d’une proposition de loi, c’est d’autant plus scandaleux !
M. François Brottes, rapporteur. Je ne vous ai jamais entendu vous indigner ainsi en d’autres occasions similaires.
À titre personnel, j’émets un avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Plisson.
M. Philippe Plisson. Les trémolos d’indignation d’André Chassaigne, j’aurais aimé les entendre lorsque les éoliennes ont subi les assauts de l’ancienne majorité UMP, qui a créé toutes les conditions pour en empêcher l’installation.
En tant que co-rapporteur de cette commission, j’ai vu comment, en deux jours, on a voulu m’imposer la signature d’un rapport qui flinguait ni plus ni moins les éoliennes. Si c’était cela la démocratie – j’indique d’ailleurs que le parti communiste s’était associé à la démarche –, c’est une conception qui n’est pas la mienne.
Sur le fond, madame la ministre l’a dit, nous avons, à horizon de 2020, des objectifs d’énergies renouvelables que nous ne pouvons pas tenir. En ce qui concerne l’éolien, alors que l’on aurait dû atteindre 1 300 mégawatts par an, on en est péniblement pour 2012 à 500, en raison de toutes les réglementations draconiennes. Il fallait les supprimer ou du moins les alléger. C’est ce que nous allons faire ce soir ce dont je me réjouis.
J’avais du reste déposé un amendement en ce sens. Il va de soi qu’il n’aura plus d’objet dans la mesure où celui du Gouvernement sera voté.
Pour avoir tenté de lancer une zone de développement éolien, je peux témoigner. J’ai mis trois ans pour monter le dossier ; il y eut des recours à répétition, et j’en suis actuellement au niveau du Conseil d’État. Depuis six ans, mon cher André Chassaigne, ce dossier est au tribunal et est freiné par les différentes réglementations qui tuent l’éolien en France.
Il faut donc voter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.
M. Martial Saddier. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, on vient de dépasser les limites de l’acceptable au regard du fonctionnement de nos institutions. Que le Parlement soit à ce point bafoué s’agissant d’une proposition d’initiative parlementaire,…
M. Lionel Tardy. C’est du jamais vu !
M. Martial Saddier. …c’est en effet du jamais vu.
Nous ne sommes pas contre – Bertrand Pancher et André Chassaigne l’ont rappelé – le fait d’ouvrir un débat et de faire le point sur les dispositifs mis en place dans le Grenelle 2 afin de savoir si, oui ou non, la réglementation sur l’éolien a besoin d’être révisée en termes d’autorisations administratives et d’urbanisme.
Dans le Grenelle 1, puis le Grenelle 2, il y a eu une évolution avec la mise en œuvre d’une mission d’information qui a duré six mois. Cela fut suivi d’un débat parlementaire intense aussi bien en commission qu’en séance publique, dans le cadre de la discussion du Grenelle 2. On peut être d’accord ou non avec les propositions. On peut aujourd’hui considérer que ces dispositifs sont trop sévères, mais on ne peut pas caricaturer à ce point. Aujourd’hui, vous passez en force, à deux heures du matin, sans que la commission des affaires économiques ait eu le temps de donner son avis. Je ne parle même pas de la commission du développement durable, qui n’a pas été saisie d’un sujet qui est loin d’être anodin.
Vous évoquez l’urgence. Permettez-moi de vous rappeler, madame la ministre, mes chers collègues, que la part des énergies renouvelables en France représente 13 %.
M. François Brottes, rapporteur. C’est de l’hydraulique !
M. Martial Saddier. En 2007, nous en étions à 10 %. On est sur une croissance très forte. On veut tous faire plus et mieux, mais ne faisons pas n’importe quoi. Quant à l’éolien, il y a eu un élan extrêmement fort après le Grenelle 1, même si des problèmes demeurent. En aucun cas, cela ne vous autorise à caricaturer. Nous sommes tout de même au septième rang mondial et au quatrième rang européen en matière de puissance éolienne.
Le sujet n’est pas anodin. Vous êtes en train de bouleverser les règles d’urbanisme.
Je ne voulais pas l’évoquer, mais je vais le faire pour vous faire prendre la mesure du scandale. La commission du développement durable s’est réunie cette semaine pour une table ronde sur la transition énergétique.
M. Bertrand Pancher. Passionnante !
M. Martial Saddier. Un représentant de l’éolien – dont, par correction, je tairais le nom ; et je ne le citerai ni lui ni le syndicat qu’il représente – peu habitué aux débats parlementaires, a avoué devant la commission du développement durable qu’il était très satisfait des amendements qu’il avait négociés avec la commission, lesquels seraient présentés en fin de semaine… Il y a des témoins. Selon lui, il fallait en finir avec les règles d’urbanisme qui empêchent les éoliennes de se développer, y compris dans la loi littoral. Il devait même penser à la loi montagne.
Madame la ministre, je vous ai entendu parler de meilleure sécurité juridique, mais vous êtes en train, à deux heures du matin, de bafouer les droits du Parlement. Vous êtes en train de limiter les moyens de recours de nos concitoyens, et de les priver de la possibilité de faire appel à des juridictions lorsque des projets incorrects sont présentés.
Tout ceci n’est pas acceptable, pas maintenant, pas à cette heure et pas sous cette forme. Je vous en conjure, il est impératif que nous arrêtions nos discussions sur l’éolien.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Je ne peux pas laisser dire qu’il n’y a pas eu de discussions ; alors qu’il y a eu des travaux parlementaires qui font autorité.
M. Lionel Tardy. Cela n’a rien à voir ici.
Mme Delphine Batho, ministre. Je pense aux travaux qui font le bilan du Grenelle de l’environnement, notamment au rapport du 9 février 2012 de M. Tourtelier et de M. Pancher, qui évoquent les retards en matière d’éolien,…
M. Bertrand Pancher. Évidemment !
M. Lionel Tardy. Mais cela n’a rien à faire dans ce texte.
Mme Delphine Batho, ministre. …l’insécurité juridique, la nécessité de clarifier les dispositifs. Les rapporteurs contestent la règle des 5 mâts qui réduit la possibilité de nouveaux projets etc.
M. Martial Saddier. C’est le constat.
Mme Delphine Batho, ministre. Dès lors, ne dites pas que ces sujets n’ont jamais été discutés, que ces amendements sont sans fondement et qu’ils sortent du chapeau du Gouvernement ! Le Gouvernement a consulté attentivement les travaux parlementaires qui font autorité sur le sujet.
M. Martial Saddier. Scandaleux !
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Depuis le début des débats, on se demandait pourquoi Mme la ministre était restée, attentive, sur le banc du Gouvernement. Lundi soir, après que nous l’avons interrogée à plusieurs reprises, elle a répondu qu’elle interviendrait a minima du fait qu’il s’agit d’un texte d’initiative parlementaire, d’une proposition de loi.
Avec l’apparition de ces amendements, on comprend tout. Je n’ai que cela à dire. Ces amendements gouvernementaux n’ont rien à faire dans ce texte. Ils expliquent la présence de Mme la ministre à deux heures cinq du matin dans notre hémicycle.
Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Je souhaite demander une suspension de séance, ne serait-ce que pour étudier les amendements qui nous sont soumis. Je vois par exemple un amendement qui concerne les départements d’outre-mer. Madame la ministre, je suis président d’un groupe qui compte cinq députés d’outre-mer parmi ses quinze membres. Je ne vais pas les réveiller maintenant, à deux heures du matin. Demain matin, ils découvriront cet amendement, sans qu’ils aient été consultés, sans même que j’aie pu leur demander leur avis.
M. Martial Saddier. On ne peut pas travailler ainsi !
M. André Chassaigne. Ce n’est pas raisonnable de travailler ainsi.
M. Lionel Tardy. Bien sûr !
M. André Chassaigne. Vous dites qu’il ne s’agit pas d’un problème nouveau et qu’il y a eu des rapports sur le sujet. Mais quand bien même, la moindre des choses est de prendre le temps et de les étudier tranquillement.
Quant à l’argument me mettant en cause au motif que je ne serais pas attaché, du fait de ma sensibilité politique, aux énergies renouvelables, c’est faux. J’ai eu l’occasion de le dire et de l’écrire dans un ouvrage.
Ce qui est en cause, c’est la méthode. On ne règle pas les problèmes ainsi. Pour permettre des évolutions en matière de développement des énergies renouvelables, il faut organiser des consultations dans les territoires. On ne passe pas en force. Il faut se donner le temps de la réflexion. Ce n’est pas une bonne conception de la démocratie que de prendre prétexte des engagements d’une campagne électorale pour appliquer les mesures brutalement, sans concertation ou de prétendre que la concertation a été très large alors qu’elle a duré deux jours. Ce n’est pas cela la bonne méthode !
M. Martial Saddier. Ce n’est pas sérieux !
M. André Chassaigne. Je croyais qu’une concertation sur la transition énergétique était engagée aujourd’hui. Je pensais que le Président de la République et le Premier ministre avaient, lors de la Conférence environnementale, lancé cette consultation. J’étais loin d’imaginer que la consultation se réduisait aux deux jours de la Conférence environnementale…
Je le dis de bonne foi. Je m’étais imaginé qu’il y aurait une forme de bouillonnement démocratique sur la question. Mais on ne peut pas parler de concertation alors que deux semaines après la Conférence environnementale, on nous balance en pleine nuit des amendements qui remettent complètement en cause un mode de développement.
M. Martial Saddier. Ce n’est pas sérieux !
M. André Chassaigne. Ce n’est pas la peine de faire des procès d’intention parce que d’un côté, il y a un écologiste, qui est le porte-parole des énergies renouvelables et, de l’autre, l’infâme coco qui serait un productiviste. Non, telle n’est pas du tout ma conception.
M. Philippe Plisson. Un peu tout de même. (Sourires.)
M. Lionel Tardy. Mais non !
M. André Chassaigne. Ce n’est pas ma conception !
Ma conception, et je suis fier de le dire, c’est que la gauche soit fière de faire évoluer la législation, mais en se fondant sur le débat démocratique. C’est une mauvaise image qui est donnée au pays. Et vous le paierez, je vous le dis. C’est dommage. On a autre chose à faire que d’alimenter les populismes par ce type de comportement, en faisant adopter ainsi des amendements. Je vous le dis de façon solennelle, si ce type de comportement se répète, on le paiera cher dans quelques années parce que les gens rejetteront cette façon de faire de la politique. Pour ma part, j’en suis convaincu et je demande une suspension de séance.
M. Lionel Tardy. Très bien ! Nous en demanderons une aussi car ce n’est pas tolérable.
Mme la présidente. La suspension est de droit.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à deux heures dix, est reprise à deux heures vingt.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Rappels au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth, pour un rappel au règlement.
M. Antoine Herth. À l’évidence, le déroulement de la séance a été très perturbé par le changement de l’ordre d’examen des amendements. Nous souhaiterions donc en revenir à l’ordre normal. Cela nous laisserait un peu de temps pour réfléchir aux amendements après l’article 12 et suivants.
Madame la ministre, je vous ai interrogée plusieurs fois, notamment en prenant l’exemple de la fermeture de la centrale de Fessenheim, mais peut-être n’ai-je pas choisi les bons termes. Le fond de ma pensée, c’est que si vous voulez être une grande ministre de l’écologie, il faut tracer des perspectives, décliner les annonces du Président de la République sur le passage de 75 à 50 % d’énergie nucléaire et la montée en puissance des énergies renouvelables.
C’est l’objet de l’amendement que vous introduisez ce soir sur l’éolien – mais il ne vous sert qu’à faire un coup. Il y a d’autres énergies renouvelables, que vous avez d’ailleurs citées, comme le photovoltaïque, où il faut revoir la donne, ou la méthanisation. Il serait de bonne gouvernance de ne pas en traiter dans la présente proposition de loi, qui ne portait initialement pas sur ces sujets. Ces amendements raccrochés au fil de la discussion sont d’ordre à perturber d’abord l’esprit du texte, et maintenant le bon déroulement de nos travaux. Si nous sentons que nous ne sommes pas entendus, le groupe UMP suspendra sa participation aux travaux.
Mme la présidente. Ce n’était pas exactement un rappel au règlement, monsieur Herth, mais je vous invite à découvrir l’article 95-5 de notre règlement sur les réserves.
La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au règlement.
M. André Chassaigne. Je souhaiterais moi aussi que nous examinions les articles les uns après les autres. Nous ne pouvons pas travailler dans ce désordre incroyable. Il est déjà compliqué de prendre connaissance au débotté des amendements que le Gouvernement dépose sur notre pupitre, mais si en plus il faut faire une telle gymnastique d’un article à l’autre, il va falloir un huissier par personne pour suivre les amendements !
Revenons-en à l’ordre normal de nos travaux. Arrêtons ce cirque. Nous ne pouvons pas suivre, tout est bousculé. Si le travail continue de cette manière, je me retirerai moi aussi. J’alerterai mon groupe et mes collègues du Sénat et je tiendrai une conférence de presse demain, car je considère que ce n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Après l’article 14 (suite)
Mme la présidente. Nous en revenons aux amendements nos 416, 415 et 418.
La parole est à M. Philippe Plisson, pour soutenir l’amendement n° 416.
M. André Chassaigne. On ne le trouve pas !
M. Lionel Tardy. Nous en étions à l’amendement n° 461 !
M. Philippe Plisson. Cet amendement rejoint celui du Gouvernement. Il vise à supprimer le dispositif des ZDE, les zones de développement de l’éolien. Les schémas régionaux qui ont été mis en place par le Grenelle II sont opposables. Ils fonctionnent un peu comme dans un plan d’occupation des sols pour l’urbanisme : si l’on veut construire une éolienne dans le périmètre du schéma, on dépose un permis de construire mais on échappe à beaucoup des contraintes connues jusque-là.
Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin. Les amendements nos 415 et 418 sont repris eux aussi dans l’amendement n° 461 du Gouvernement. Ils visent à développer largement les éoliennes en France, parce que nous avons besoin d’énergies renouvelables et que nous avons pris un retard considérable en la matière. Ils ne servent finalement qu’à corriger l’épisode où l’Assemblée nationale avait modifié en douce les propositions du Grenelle de l’environnement. Il faut en revenir au consensus qui avait émergé du Grenelle pour développer l’énergie éolienne. Nous rejoignons l’amendement n° 461 du Gouvernement.
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour un rappel au règlement.
M. Bertrand Pancher. Au titre de l’article 58-1 du règlement. Il est deux heures et demie et les conditions pour un débat apaisé ne sont pas réunies. Nous avons demandé à reprendre nos travaux dans l’ordre. Vous n’avez pas accepté. Au nom du groupe UDI, je quitte la séance. Il est impossible de travailler dans de telles conditions.
Après l’article 14 (suite)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement est clairement engagé sur la trajectoire de la transition énergétique. Un débat national va avoir lieu sur ce sujet et sans la situation d’urgence que nous vivons, sans toutes ces entreprises et ces emplois qui sont aujourd’hui menacés, j’aurais attendu neuf mois pour prendre ces dispositions – que nous avons d’ailleurs déposées lundi, monsieur Chassaigne.
Ces amendements correspondent à une orientation fondamentale du Gouvernement, celle du patriotisme écologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons un outil industriel à défendre, des emplois à préserver dans le domaine des énergies renouvelables. Nous avons déjà des usines de mâts qui sont parties dans d’autres pays. C’est cela, la réalité. Si nous ne prenons pas des mesures très vite, les usines de fabrication de pales que nous essayons de développer, les usines de mâts qui essaient de s’implanter dans l’Oise seront compromises et ce seront autant d’emplois qui ne seront pas créés.
Je vous le dis très sincèrement. Si nous avons besoin de ces mesures d’urgence, c’est que les entreprises, lorsqu’elles vont voir leurs banques, s’entendent répondre que la politique du Gouvernement n’est pas claire, que le développement de l’éolien en France est soumis à des insécurités juridiques, qu’il y a des procédures devant le Conseil d’État concernant les tarifs de rachat et des contentieux dans toutes les zones de développement éolien. Nous voulons sécuriser tout cela. Il y a des emplois derrière.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Blein.
M. Yves Blein. On peut effectivement considérer que le débat est quelque peu bousculé, mais nous avons aussi passé trois ou quatre heures en début de séance sur des amendements qui passaient en revue toutes les catégories socioprofessionnelles existantes, tous les états civils possibles, tous les taux et toutes les configurations de bonus-malus imaginables… bref, rien d’autre que de l’obstruction, qui a repoussé les débats de fond que nous sommes bien obligés de tenir maintenant.
M. Lionel Tardy. Tous nos amendements ont un rapport avec le texte. On ne peut pas en dire autant de vos cavaliers !
M. Yves Blein. Madame la ministre, vous avez notre entier soutien pour ouvrir ce dossier de l’éolien et pour débloquer une filière industrielle qui est tout à fait essentielle à la transition énergétique que nous voulons.
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.
M. Martial Saddier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, les deux journées que nous avons passées il y a quinze jours étaient une véritable mascarade. Nous en avons la démonstration ce soir. Il n’y a aucune volonté de la part de ce gouvernement et de cette majorité de s’engager dans une concertation. On peut d’ores et déjà conclure que ce qui se passera dans neuf mois est tout ficelé d’avance et que ce sera une mascarade de plus. Vous êtes en train de bouleverser les règles de l’urbanisme ce soir, à deux heures du matin, en ayant échappé à l’étude d’impact.
Nous vous avons posé des questions précises, nous n’avons aucune réponse. Combien d’installations nouvelles vont être concernées ? Combien de mâts nouveaux ? Quelle sera l’incidence sur la loi montagne, sur la loi littoral ? Vous êtes incapables de répondre. Nous vivons la même chose que lors du débat sur les logements et sur le foncier.
Cela me fait mal de vous le dire, mes chers collègues, mais, dans leur grande sagesse, les sénateurs vont mettre de l’ordre dans tout cela. Cela nous fait vraiment mal de le dire en tant que membres de l’Assemblée nationale mais, pour une fois, nous aimerions que la sagesse du Sénat remette les points sur les i pour qu’il y ait un peu plus de raison et que l’on prenne le temps nécessaire s’il y a besoin de modifier la loi Grenelle II à propos des éoliennes, auxquelles nous sommes favorables, mais, encore une fois, pas ce soir, pas dans ces conditions.
Nous vous laissons donc faire seuls cette horreur, tout simplement, cette horreur qui, j’en suis persuadé, ne passera pas la barre du Sénat. Antoine Herth l’a dit, les députés UMP vont vous laisser poursuivre seuls vos débats. (MM. les députés du groupe UMP quittent l’hémicycle.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Madame la présidente, je demande de nouveau que l’on reprenne l’ordre de la discussion, que l’on examine les articles les uns après les autres. Revenons à un comportement raisonnable. Il n’y a aucune raison de tout bouleverser. Pour quelle raison bouleversons-nous l’ordre de nos travaux ? Personnellement, je ne l’ai pas compris. Il serait beaucoup plus simple de suivre l’ordre des articles. Je suis prêt à rester si l’on reprend l’ordre normal, mais si on continue à travailler de cette façon, malheureusement, je me retirerai aussi.
Je ne comprends pas pourquoi, madame la présidente, pourquoi on a bouleversé l’ordre des choses de cette façon. Je le dis franchement : je n’arrive pas à comprendre.
Mme la présidente. Très bien.
M. André Chassaigne. On avait décidé de terminer. Pourquoi, alors, tout bousculer ? C’est incroyable !
Mme la présidente. Monsieur Plisson, maintenez-vous votre amendement n° 416 ou vous ralliez-vous à l’amendement n° 461 du Gouvernement ?
M. Philippe Plisson. Je me rallie à l’amendement du Gouvernement.
(L’amendement n° 416 est retiré.)
Mme la présidente. Q’en est-il, monsieur Baupin, des amendements nos 415 et 418 ?
M. Denis Baupin. Je me rallie également à l’amendement du Gouvernement.
(Les amendements nos 415 et 418 sont retirés.)
M. André Chassaigne. Je n’ai pas eu de réponse, madame la présidente !
Mme la présidente. Monsieur Chassaigne, je vous renvoie à l’article 95, alinéa 5, de notre règlement.
Vous avez fait des rappels au règlement, je vous renvoie à la lecture de notre règlement.
(L’amendement n° 461 est adopté.)
(…)
Suite de la discussion du texte.
Voirtoutes les interventions sur le texte.
Voir aussi : communiqué de presse.