3e séance publique du mardi 17 février 2009 - 21h30
Projet de loi réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Article 6 (suite)
(…)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 919. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Quand je lis le titre du projet de loi, je suis saisi d’un doute ; ne s’est-on pas trompé ? Le texte ne concerne-t-il pas la métallurgie ? N’êtes-vous pas plutôt en charge de l’industrie, madame la ministre ? Selon l’alinéa 10 de l’article 6, le président du directoire « arrête le bilan social et définit les modalités d’une politique d’intéressement » ; les hôpitaux n’auront-ils pas vocation à fabriquer des boulons plutôt qu’à soigner des patients ?
Une telle politique d’intéressement assimile l’hôpital à n’importe quelle autre entreprise.
M. Yves Bur. Encore des fantasmes !
M. André Chassaigne Certains membres de la majorité, en jetant les hauts cris, révèlent leur intention – qui est aussi la vôtre, madame la ministre – de faire de l’hôpital une entreprise comme une autre, essentiellement soumise à la rentabilité, et dont le directeur, dépositaire de tous les pouvoirs, doit se comporter comme un maître de forges.
La notion d’intéressement est péjorative du point de vue médical et dangereuse pour les patients. Inciter les médecins à faire du chiffre, n’est-ce pas contraire à la déontologie et à la réalité de la pratique médicale ? L’intéressement conduirait nécessairement les praticiens, ou du moins une partie d’entre eux, à rechercher la rentabilité, et ce au détriment de la santé et de la sécurité des patients. Certaines pathologies demandent plus de temps que d’autres ; le devoir d’un médecin est de faire le nécessaire pour chacun, sans compter son temps ni son argent. Introduire le principe de rentabilité via l’intéressement financier est à nos yeux inconciliable avec l’exercice de la médecine.
Ayons donc la sagesse de renoncer au dispositif proposé qui, une fois encore, place les établissements hospitaliers au même niveau que les entreprises métallurgiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Rolland, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. La politique d’intéressement est un axe fort du projet de loi, et elle répond à un engagement du Président de la République.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Les politiques d’intéressement existent déjà à l’hôpital public ; ce n’est donc pas une nouveauté. Le texte vise seulement à préciser comment l’instance concernée peut les mettre en œuvre.
M. André Chassaigne L’instance, en l’occurrence, c’est le maître de forges ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Les maîtres de forges, monsieur Chassaigne, ne distribuaient pas d’intéressement !
M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé.
M. Olivier Jardé. Le problème, c’est qu’il existe en France des déserts médicaux ; pour certaines spécialités, il n’y a plus de praticiens dans les hôpitaux ! L’intéressement me semble un bon moyen pour répondre à ce problème. Je me pose seulement la question de savoir s’il ne doit concerner que les médecins ou l’ensemble des personnels soignants.
(…) (suite du l’examen de l’amendement)
(L’amendement n° 919 n’est pas adopté.)
(…)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 920.
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne Je ne sais si Mme la ministre…
M. Alain Marty. De l’industrie !
M. André Chassaigne… énerve M. Gremetz mais, quant à moi, elle me trouble ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Si vous me troublez, madame la ministre, c’est parce que j’hésitais tout à l’heure à décider s’il s’agit là d’une loi sur l’hôpital ou sur la métallurgie, puis à savoir si l’objectif caché de ce texte n’est pas de transformer l’hôpital en entreprise. J’ai même hésité pour savoir si vous étiez ministre de la santé ou ministre de l’industrie ! Et voici que j’hésite à propos de mon amendement : s’agit-il d’un amendement de forme ou de fond ?
En effet, l’alinéa 17 de l’article 6 prévoit que le président du directoire « soumet au conseil de surveillance le projet d’établissement ». Je me suis donc attaché au verbe « soumettre », pensant d’abord qu’il s’agissait d’une erreur d’écriture, d’un simple problème d’ordre rédactionnel.
Vérification faite dans plusieurs dictionnaires, il apparaît clairement que le Robert ne précise pas si le verbe « soumettre » concerne un simple examen, un jugement ou un choix. Je me suis alors précipité sur le Littré, pour comparer les définitions : j’y ai découvert que le verbe « soumettre » implique que la chose en question est soumise au jugement, à la censure ou à la critique de quelqu’un.
La question est donc posée : qu’entendez-vous par la « soumission » du projet d’établissement au conseil de surveillance ? Demandez-vous un simple avis, voire une délibération – puisque vous employez ce terme à l’article 5 – au risque que celle-ci soit négative, ou considérez-vous que le projet d’établissement doit être approuvé par le conseil de surveillance ? Si c’est le cas, il va de soi que le présent amendement doit être adopté, car il ajoute au verbe « soumet » les mots : « pour approbation ».
Si, au contraire, il s’agissait d’un problème de fond, et non de forme, alors cela signifierait que vous considérez une fois de plus que le président du directoire est tout-puissant, et que son projet d’établissement, même s’il a fait l’objet de consultations diverses – chacun sait comment les choses se passent en pratique –, pourrait être retenu sans même avoir l’approbation du conseil de surveillance.
Or nous savons tous que, dans nos hôpitaux où se posent les problèmes de l’offre de soins et du devenir du territoire sanitaire, le projet d’établissement est déterminant, et ce d’autant plus s’il est admis par la population. Si vous considérez qu’il doit être décidé de force, par la décision d’un seul homme, alors même que la population n’y est pas favorable, vous savez bien que, sans transparence interne, les problèmes se multiplieront.