Modernisation de l’agriculture et de la pêche
Discussion des articles
M. le président. J’appelle, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Avant l’article 1er M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 458.
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps mes quatre amendements visant à introduire un article additionnel avant l’article 1er.
M. le président. Vous présenterez donc également les amendements nos 460, 459 et 461.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, mes chers collègues, la très longue discussion générale préalable à la discussion des articles a révélé nos désaccords sur les points forts du projet de loi que nous examinons. Mais, au-delà de ces divergences d’appréciation, il faut reconnaître que le texte fait l’impasse sur un élément extrêmement important : l’agriculture française et toutes les propositions que l’on peut développer à son égard ne peuvent pas être déconnectées de l’agriculture mondiale. Le projet de loi aurait eu une plus grande valeur, voire une dimension éthique, si, en préambule, il avait souligné de grandes orientations qui auraient témoigné à quel point notre pays est sensible non seulement à la survie de ses territoires et aux moyens de vivre des agriculteurs français, mais au devenir des territoires et des agriculteurs du monde.
La France a d’ailleurs publié à ce sujet un texte intitulé « Appropriation de terres à grande échelle et investissement agricole responsable ». Les discussions qui ont eu lieu entre le Gouvernement français – notamment votre ministère –, des ONG et des chercheurs ont conclu qu’il était indispensable de mettre en place une référence mondiale en matière de régulation de la production alimentaire pour éviter la fracture alimentaire. Tel est l’objet de ces quatre amendements.
Notre pays se grandirait, et votre projet de loi serait plus pertinent, monsieur le ministre, s’il mettait en valeur des points qui nous paraissent fondamentaux. Ainsi, la France pourrait s’engager à s’opposer au kidnapping des terres. Des entreprises, notamment des coopératives françaises, vont acquérir des terres et produire dans d’autres pays, en Amérique du Sud ou en Afrique, faisant ainsi concurrence à l’agriculture française. Surtout, cela entraîne des conséquences terribles pour l’agriculture vivrière locale et pour le maintien des communautés villageoises.
Je voudrais à ce sujet citer un bref extrait d’un ouvrage dont je recommande la lecture à tous mes collègues : Planète alimentaire : l’agriculture française face au chaos mondial, signé du journaliste Gérard Le Puill. « En surgelés, une poêlée de légumes bien de chez nous » – et l’auteur cite ici une marque que, pour ma part, je passerai sous silence – « peut provenir d’une demi-douzaine de pays. Les choux-fleurs arrivent de Pologne, car leur prix de revient est inférieur de 30 % à celui des choux-fleurs bretons. Les choux brocolis viennent du Guatemala, les poivrons de Turquie, les asperges du Pérou, les haricots verts du Kenya, les petits pois et les champignons de Chine »…
M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques. Et les communistes viennent de Russie ! (Sourires.) M. André Chassaigne. « Reste à savoir d’où vient l’emballage. Sur ce dernier, l’information est abondante concernant les bienfaits diététiques de la fameuse poêlée, ainsi que sur différentes manières de la cuisiner. Mais on ne trouve nulle indication sur l’origine des produits ni sur les méthodes de culture pour les faire pousser. »
Pendant que je lisais ce texte, j’ai entendu le rapporteur dire, de façon d’ailleurs très intelligente, que les communistes viennent de Russie. M. Philippe Gosselin. C’était de l’humour ! M. André Chassaigne. Cette observation n’est respectueuse ni des producteurs de fruits et légumes français, concurrencés par des importations qui se font au détriment du devenir de notre planète et sans souci du coût environnemental que cela représente, ni des agriculteurs de ces pays qui, poussés à la famine, iront rejoindre les bidonvilles dans les grandes agglomérations.
L’amendement n° 458 souhaite que la France agisse à l’échelle communautaire et internationale pour que cesse la spéculation sur les productions agricoles. Pour cela, il propose une taxation assise sur les transactions sur les marchés à terme et les échanges agroalimentaires mondiaux. Songez que, à Chicago, trois ans avant qu’elle n’arrive sur le marché, dix financiers ont pu successivement se revendre, dans une sorte de jeu de Monopoly, une production de céréales, et en ont tiré un bénéfice à chaque étape.
L’amendement n° 461 propose la mise en place d’une taxation sur les importations abusives portées par les centrales d’achat et la grande distribution, en soulignant les conséquences que subissent, je l’ai dit, non seulement les agriculteurs des pays producteurs mais également ceux des pays importateurs.
L’amendement n° 459 souhaite que l’on puisse promouvoir au niveau communautaire la mise en place d’une nouvelle politique agricole commune qui place la question de la répartition de la valeur ajoutée entre paysans, transformateurs et distributeurs, au centre de son action. Le grand reproche que l’on peut adresser à ce projet de loi, c’est qu’il ne s’attaque pas véritablement, avec des prescriptions fortes, à ce partage de la valeur ajoutée entre paysans, transformateurs et distributeurs. C’est bien le fond du problème, comme l’avait d’ailleurs souligné le Président de la République à Poligny. C’est par une déclaration de principe à cet égard que doivent s’ouvrir et nos travaux législatifs et la loi.
Le dernier amendement, n° 460, souhaite enfin que la France s’oppose à la spéculation internationale sur le foncier agricole. Il se passe en effet, y compris à l’initiative d’entreprises françaises, des choses inacceptables. Des milliers d’hectares sont achetés pour produire et concurrencer nos productions et encourager la famine et la fracture alimentaire mondiale. (M. Yves Cochet applaudit.) M. le président. La parole est à M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission sur ces quatre amendements.
M. Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques. Sur le fond, on ne peut pas désapprouver les déclarations de principe que vient de faire M. Chassaigne. Mais ce n’est pas en additionnant les taxes que l’on réglera le problème. Une partie de ces amendements ne relève pas de notre texte, notamment ce qui concerne la façon dont la France va défendre la politique agricole commune. Quant à l’amendement n° 458, qui entend lutter contre la spéculation, qu’elle soit financière ou qu’elle concerne les matières premières agricoles, il est satisfait par l’action du Président de la République. Avis défavorable. M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Le Gouvernement est également défavorable à ces quatre amendements.
Je voudrais cependant rassurer M. Chassaigne. Lutter contre la spéculation sur les produits agricoles, c’est exactement la démarche que nous avons entreprise au niveau du G20. Nous essayons également de lutter contre la prédation sur les terres agricoles, qui représente une grave question pour tous les pays. Au-delà de nos actions en faveur de la régulation européenne des marchés agricoles, nous réunirons pour la première fois, avec le Président de la République, un G20 agricole auquel participeront les ministres de l’agriculture des vingt premiers pays du monde en termes de PNB, pour nous intéresser à la spéculation sur les matières premières, notamment agricoles, et pour voir quels instruments peuvent, à l’échelle mondiale, réduire la volatilité des prix agricoles.
M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
M. Yves Cochet. Dans la continuité de l’excellent argumentaire développé par M. Chassaigne, je voudrais ajouter quelques remarques.
Avec juste raison, il a insisté sur deux points principaux : la lutte contre la prédation des terres agricoles opérée à l’échelon international par certains spéculateurs ou même certains pays qui souhaitent concurrencer l’Europe et particulièrement la France ; et l’injustice sociale née d’une sorte de dumping qui met les uns dans l’impossibilité de lutter à armes égales avec les autres quand les exigences en matière de travail et d’environnement sont beaucoup plus basses qu’en Europe ou en France, phénomène que l’on observe dans bien d’autres domaines, comme vous le savez.
Il serait bon que notre assemblée puisse adopter ces quatre amendements dans la mesure où ils permettraient d’orienter l’ensemble de la loi de modernisation agricole qui a certes quelques qualités, mais aussi beaucoup de défauts, comme on l’a vu au cours de la discussion générale. Nous pourrions ainsi nous appuyer sur des principes qui guideraient l’action de notre pays à l’échelle mondiale car notre agriculture si elle est mondialisée l’est dans des conditions critiquables, comme le montrent précisément ces quatre amendements.
J’aimerais revenir sur l’amendement 460 de M. Chassaigne, qui prévoit notamment l’interdiction des importations extracommunautaires d’agrocarburants. Nous avons déjà pu aborder cette question lors des débats relatifs à l’énergie, mais aussi à l’agriculture. Ces agrocarburants ou biocarburants renvoient à un conflit dans l’utilisation des sols avec, d’une part, une agriculture à vocation alimentaire et, d’autre part, une agriculture à vocation énergétique. Nous savons que l’Union européenne et la France entendent faire un effort de diversification des sources d’énergie en promouvant notamment les énergies renouvelables – c’est le fameux objectif des « trois fois vingt » dont se glorifie M. Borloo. Or, parmi ces énergies renouvelables, sont intégrés les biocarburants, ce que je déplore.
Les agrocarburants importés de pays extra-communautaires n’ont rien d’énergies renouvelables. Je vous conseille, mes chers collègues, de vous renseigner. Ainsi, en Indonésie ou en Malaisie, la forêt primaire disparaît à grand pas, avec les conséquences que l’on imagine sur la biodiversité, les écosystèmes, les végétaux, les animaux et les humains, pour laisser place à de gigantesques exploitations industrielles de palmeraies destinées à produire de l’huile de palme que nous importons pour mettre dans nos voitures. L’objectif de 10 % d’incorporation de biocarburants dans les carburants automobiles à l’échelle européenne est criminel du point de vue environnemental mais aussi du point de vue social, compte tenu des rapports Nord-Sud.
Par ailleurs, d’un point de vue technique – petite remarque d’ingénieur –, il est assez idiot de produire des agrocarburants, que ce soit à base d’huile de palme, de canne à sucre, de maïs, de blé ou de betterave, ce que M. de Villepin, en septembre 2005, alors qu’il était Premier ministre, appelait le « pétrole vert de la France ». Si l’on calcule l’énergie nette qui en est issue, on constate que, d’un point de vue économique, les gains sont inférieurs aux sommes investies et, d’un point énergétique, que davantage d’énergie est dépensée en amont qu’obtenue en aval, je le dis à l’adresse de Stéphane Demilly, qui aime tant les biocarburants. Autrement dit, personne n’a intérêt à en produire, si ce n’est les lobbies pétrolier, céréalier ou betteravier qui cherchent à obtenir des subventions européennes en faisant des biocarburants, ou même en les important, ce qui est une très mauvaise voie comme le montre l’amendement n° 460 de notre ami André Chassaigne.
J’appelle donc notre assemblée à faire usage de sa raison raisonnante et à voter ces quatre amendements.
(…)
(Les amendements nos 458, 460,459 et 461, successivement mis aux voix, sont repoussés.)
Article 1er
(…) M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 455.
M. André Chassaigne. Cet amendement reprend en partie celui de notre collègue Folliot. Il ajoute le principe de sécurité alimentaire, mais il est vrai que le texte affirme déjà l’objectif de l’accès de tous à une « alimentation sûre ».
Je vais retirer cet amendement, en souhaitant que l’amendement n° 428 soit adopté. Il me semble vraiment très important d’affirmer, dès le premier article de ce chapitre préliminaire, la nécessité de respecter le principe de souveraineté alimentaire.
J’ai défendu tout à l’heure quatre amendements portant article additionnel avant l’article 1er qui, pour partie, affirmaient ce principe, non seulement pour notre pays, mais pour tous les pays du monde.
Par conséquent, je retire cet amendement et je soutiens celui que vient de défendre M. Folliot.
(L’amendement n° 455 est retiré.)
(…)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. Lorsque le ministre défend la position française en Europe – et tous les orateurs ont salué les efforts qu’il fait en la matière –, l’une de ses craintes est de voir la politique agricole commune renationalisée. Et Dieu sait si la souveraineté alimentaire est un thème européen. Elle est l’un des premiers principes de la politique agricole commune. Par conséquent, en adoptant un tel amendement, on renationaliserait la PAC.
Certes, cela ne serait pas un grand danger, dans la mesure où il n’est que déclaratif. Mais il faut le rejeter pour le principe : la souveraineté alimentaire ne s’analyse pas au niveau de la France mais au niveau de l’Europe, et la politique agricole commune le réaffirme en permanence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Avis défavorable.
(L’amendement n° 60, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 465.
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Défendu.
(L’amendement n° 465, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 466.
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Défendu.
(L’amendement n° 466, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(…)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 467.
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Défendu.
(L’amendement n° 467, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(…)
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Défendu !
(L’amendement n° 468, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 469.
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Monsieur le président, quand nous disons seulement « défendu », c’est effectivement pour gagner du temps, mais cela ne doit pas dispenser systématiquement le rapporteur et le ministre de donner une explication. Nous déposons des amendements qui ont du fond, pour faire évoluer le texte, le préciser. Pour pouvoir tous les discuter, nous voulons bien nous contenter de dire « défendu », mais, s’il vous plaît, puisque votre temps n’est pas compté, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, essayez de motiver vos avis.
Du coup, je me sens obligé de défendre très rapidement celui-ci, qui tend à rendre obligatoire et systématique la mention de l’origine des denrées alimentaires par voie d’étiquetage ou d’affichage. Bien des emballages de produits, transformés ou non – les poêlées de légumes surgelées dont je parlais tout à l’heure, par exemple –, ne portent absolument aucune mention sur l’origine des produits. Ce n’est pas acceptable.
Il y a encore un an ou deux, j’avais constaté qu’apparaissait le lieu de conditionnement sous la dénomination de « fabrication ». Cette mention a disparu. En matière de transparence et de traçabilité, non seulement on n’avance pas mais on recule. La loi aurait pu affirmer cette exigence et répondre ainsi à une demande très forte des consommateurs de notre pays, qui veulent pouvoir faire des choix responsables.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. Les amendements dont parlait M. Chassaigne ont été examinés en commission ; on y a donc forcément répondu. Fixons-nous, si vous le voulez bien, une règle : puisque, sur une grande partie des amendements, le ministre et moi sommes d’accord, un seul de nous deux donnera des arguments.
Sur celui-ci, M. le ministre va répondre que M. Chassaigne a entièrement raison et il va dire pourquoi on ne peut pas l’accepter. (Sourires.)
M. André Chassaigne. Vous, vous ne le dites jamais !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. D’abord, une remarque de méthode. Le président de la commission a rappelé, à juste titre, que nous avions 1 100 amendements à examiner. Certains sont relatifs à de vrais sujets de fond sur lesquels nous passerons du temps car nous n’avons pas encore trouvé d’accord. Il s’agit de vrais choix politiques et je considère que c’est le rôle de l’Assemblée de les trancher. Cela dit, je suis à votre disposition. Nous pouvons passer dix ou quinze minutes sur chaque amendement, mais il vaut mieux, me semble-t-il, se concentrer sur ceux qui impliquent un vrai débat politique, comme cette enceinte est indiquée pour le faire.
Ensuite, tout a déjà été étudié au fond en commission. S’agissant de l’étiquetage, je vous redonne la position du Gouvernement : nous sommes favorables à ce qu’il soit le plus précis possible. Dans l’article 1er bis du projet de loi, nous sommes allés aussi loin que ce que permet la législation communautaire en prévoyant l’indication du pays d’origine. Votre amendement ne me pose pas de difficulté sur le fond : je suis favorable à un étiquetage le plus précis possible pour fournir une information totale au consommateur. Toutefois, nous sommes contraints par le droit européen au regard duquel un tel amendement revient à altérer le droit de la concurrence.
J’ai dit à plusieurs reprises que je me bats pour une modification du droit de la concurrence européen par différentes voies : une meilleure organisation des producteurs, un regroupement plus facile pour que la relation soit plus équitable avec les industriels, et aussi la modification des règles d’étiquetage, car je souhaite que chaque pays puisse étiqueter plus précisément ses produits. C’est la méthode que j’ai choisie : modifier le droit européen plutôt que faire voter un droit national en contravention avec lui.
(…)
(…)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 464.
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. L’amendement est défendu.
(L’amendement n° 464, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(…)
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. C’est faux, monsieur le ministre, l’amendement n’est pas plus restrictif dans la mesure où le mot « biologique » est suivi par les mots : « et respectueux de l’environnement… ». L’amendement cible également les productions respectueuses de l’environnement, qui ne sont pas forcément biologiques.
Nous connaissons tous des agriculteurs qui n’ont pas le label bio, mais qui sont extrêmement respectueux de l’environnement et dont les productions sont de grande qualité.
Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, si nous étudions la rédaction de l’amendement, on voit qu’elle n’exclut pas des productions qui ne sont pas biologiques.
(Les amendements identiques nos 259, 349 et 627 ne sont pas adoptés.)
(…)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 463.
La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. L’amendement n° 463 vise à compléter l’alinéa 17 sur le respect des terroirs par le développement des filières courtes, par les mots : « notamment par des actions en faveur du maintien des abattoirs à proximité des élevages. » Hier, Jean Auclair notamment a souligné ce point.
Lorsque des agriculteurs veulent faire de la vente de proximité sur la base de filières courtes, ils installent chez eux ou de façon mutualisée des ateliers de découpe. Mais avant que l’animal ne soit découpé, à proximité de l’exploitation agricole ou en son sein, il doit être tué dans un abattoir. Or, sur beaucoup de territoires, nous ne disposons plus d’abattoirs. Quand il en reste, ils ne sont pas forcément labellisés bio. Nous aurions intérêt à adopter cet amendement pour indiquer l’importance que nous attachons à ces abattoirs de proximité sur nos territoires.
J’en profite, sans vouloir donner de leçons à qui que ce soit, pour saluer les députés de la majorité qui se sont exprimés malgré les avis négatifs du rapporteur et du ministre. Il est bon que l’on puisse soutenir dans cette assemblée, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, des amendements qui vont dans le bon sens et qui s’appuient sur une certaine éthique. C’est l’honneur de notre assemblée de se comporter de la sorte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Raison, rapporteur. M. Chassaigne est surpris par la démocratie qui règne ici.
Mme Marie-Christine Dalloz. C’est incroyable !
M. Michel Raison, rapporteur. Moi, je m’en félicite.
Je suis favorable à l’esprit de cet amendement. Je défends moi-même l’implantation d’un deuxième abattoir dans ma circonscription. Mais ce sont là des dossiers économiques. Il existe un certain nombre de règles sur le versement de subventions des conseils généraux et des conseils régionaux, même si elles sont soumises à certains plafonds : ce n’est pas à la loi de leur dire ce qu’il convient de faire en matière de soutien d’abattoirs. Et il y a des abattoirs privés qui ont du mal à tourner : on peut inscrire ce qu’on voudra dans la loi, ce n’est pas cela qui les sauvera.
Même si je suis totalement favorable à cet objectif, on ne peut donc retenir cet amendement, qui est très déclaratif !
M. André Chassaigne. Désormais, chaque fois qu’on inscrira dans la loi quelque chose de déclaratif, je vous le ferai remarquer !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Avis défavorable.
(L’amendement n° 463 n’est pas adopté.)
(…)
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Je crois que ce débat recouvre quelque chose de plus grave. Nous nous retrouvons quasiment tous, quelle que soit notre sensibilité, sur l’exigence du maintien d’une agriculture de qualité sur notre territoire comme sur la nécessité de privilégier les filières courtes et les achats de proximité. Mais gardons-nous de tout angélisme : le système de distribution s’appuie sur une certaine conception de la société. Tout ce que nous pouvons préconiser pour des achats directs auprès des producteurs locaux, pour un mode de production différent, heurte de plein fouet le système en question, c’est-à-dire les centrales d’achat et la grande distribution. Il y a derrière tout cela des intérêts financiers.
C’est la raison de la contradiction dans laquelle se trouvent des parlementaires persuadés, en toute sincérité, de la nécessité d’aller dans telle direction mais bloqués par un système qu’ils soutiennent par ailleurs. Il faut bien que le ministre et le rapporteur serrent un peu les boulons, car si l’on ouvre les choses, on ne sait pas où cela peut aller, n’est-ce pas ? La question de fond, c’est celle, comme on l’appelle dans notre jargon, du partage des richesses. Il faut traverser le rideau de fumée pour voir les intérêts financiers derrière.
M. le président. Mes chers collègues, nous avons beaucoup débattu de ce sujet. Je donnerai la parole au président Ollier, à M. Peiro, à M. Marie-Jeanne et à M. le ministre, avant de passer au vote.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. J’espère que M. Peiro et M. Marie-Jeanne renonceront à leur prise de parole après ce que je vais dire, car je vais tenter de concilier la position des uns et des autres.
Chers collègues, nous sommes tous d’accord pour encourager la proximité géographique entre producteurs et transformateurs. Toutefois, en parlant de « maintien », les amendements commettent une erreur. C’est en effet un nid à contentieux, car qu’est-ce que le maintien et comment s’apprécie-t-il en termes juridiques ? De même, en ne défendant que de maintenir ce qui existe, ces amendements sont très limités. Je préconise quant à moi d’encourager la proximité géographique entre producteurs et transformateurs elle-même.
M. Henri Nayrou. Il s’agit de l’encouragement !
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est ce que je vous dis, monsieur Nayrou ! Ne m’interrompez pas, je suis d’accord avec vous. Simplement, avec les mots « au maintien », vous commettez une erreur juridique.
Je vous propose donc de supprimer ces mots et de soumettre à l’Assemblée et au ministre une proposition ainsi rédigée : « et l’encouragement de la proximité géographique entre producteurs et transformateurs ». Cela a du sens, et nous n’entrons pas dans des niches à contentieux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Avec votre accord, monsieur le ministre, je fais cette proposition pour clore un débat dans lequel nous sommes en fait tous d’accord. (Mêmes mouvements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Le Gouvernement est d’accord avec l’excellente rédaction du président de la commission des affaires économiques, qui fait comme d’habitude preuve de lucidité et de sagesse.
Qu’il n’y ait aucune ambiguïté entre nous : il existe des points sur lesquels nous pouvons être en désaccord mais nous sommes tous d’accord sur les circuits courts. Je vous en supplie, monsieur Chassaigne, n’allez pas imaginer des intérêts financiers là derrière ; vous savez bien que ce n’est pas du tout mon genre ni ma conception de la loi.
M. André Chassaigne. Ce n’est pas vous qui êtes en cause !
M. Thierry Benoit. M. Chassaigne voit l’argent partout !
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Nous sommes d’accord sur les circuits courts et sur ce que nous entendons sous ce vocable. Il ne signifie pas que le producteur doive être à cinq kilomètres, mais que l’on élimine les intermédiaires de façon que les relations soient plus directes.
J’ai déjà dit à plusieurs reprises en commission et je redis que j’aurais été le premier à être favorable à des indications géographiques, à des indications de distance, mais c’est rigoureusement impossible au titre du droit communautaire. Permettez-moi de m’y arrêter un instant, car j’ai l’habitude d’aller au fond des choses.
L’article 81 du traité instituant les communautés européennes, dans sa version consolidée de Nice, stipule que sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui consistent notamment à appliquer, à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales, notamment de localisation, à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence.
On ne peut être plus limpide. Si vous introduisez dans un texte de loi français une indication de localisation, vous êtes en contradiction totale avec le droit de la concurrence européen qui établit un marché unique.
M. André Chassaigne. Et voilà !
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Un produit réalisé à Brême, à Rome, à Séville, n’importe où dans les communautés européennes, ne peut pas être défavorisé, au titre de la concurrence, par une mention de distance géographique. Je le regrette et j’estime que cette vision est dépassée,…
M. Serge Letchimy. Totalement dépassée !
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. …mais c’est encore celle des communautés européennes.
C’est pourquoi nous avons retenu l’idée, efficace, de développement des circuits courts. Je tiens à rendre hommage à mon prédécesseur, Michel Barnier, qui a lancé un plan d’action pour développer ces circuits. Quand le parti socialiste propose un plan national de développement des circuits courts, je lui réponds que ce plan existe déjà et que Michel Barnier l’a mis en place.
M. Germinal Peiro. Il n’est pas en place !
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Vous devriez donc être satisfait, monsieur Peiro.
Mme Fabienne Labrette-Ménager. Il est satisfait !
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Par ailleurs, madame Massat, toujours pour le développement des circuits courts, nous avons proposé une modification du décret sur le code des marchés publics. L’article 53 de ce code, concernant l’attribution des marchés, dispose que, lors de la passation d’un marché, un droit de préférence est attribué, à égalité de prix ou à équivalence d’offres, à l’offre présentée par des sociétés coopératives, des entreprises adaptées et autres. Nous vous proposons une modification qui accorde également une préférence à l’offre présentée par un exploitant agricole ou un groupement de producteurs agricoles. C’est une façon de répondre à la nécessité de favoriser un producteur ou un groupement de producteurs, donc de favoriser le développement des circuits courts et de répondre ainsi à vos demandes, dans un objectif que nous partageons tous.
M. le président. Les amendements sont donc ainsi rectifiés, avec l’accord de leurs auteurs : « et l’encouragement de la proximité géographique entre producteurs et transformateurs ».
(…)
(Les amendements identiques nos 350 rectifié, 503 rectifié et 1017 rectifié, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)
M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 260, 351, 625, 367 et 429 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n°s 260, 351 et 625 sont identiques.
La parole est à M. Thierry Lazaro, pour défendre l’amendement n° 260.
M. Thierry Lazaro. Le Grenelle de l’environnement a prévu d’inclure 20 % de produits biologiques dans la composition des repas en restauration collective. Les marchés étant bien souvent passés par des collectivités territoriales, nous avons ici une véritable chance de leur permettre de faire vivre leurs territoires ruraux en réalisant des commandes auprès d’agriculteurs ou de groupements de producteurs locaux. Aussi, je vous propose, après l’alinéa 18, d’insérer cet amendement qui mentionne la restauration collective parmi les domaines du ressort du Programme national pour l’alimentation, avec « une préférence dans l’approvisionnement des denrées issues de l’agriculture locale et de l’agriculture biologique. » Il se situe dans le prolongement des circuits courts. J’ai bien conscience qu’on reparlera à juste titre du code des marchés publics, mais nous sommes aussi ici pour faire bouger les lignes.
M. Germinal Peiro. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat, pour défendre l’amendement n° 351.
Mme Frédérique Massat. Il me semble important d’insérer à ce niveau du texte une incitation à privilégier l’alimentation issue de l’agriculture locale et biologique pour la restauration collective, car c’est déterminant pour la promotion de la consommation d’un certain type de production. J’espère que le projet de décret que vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, complété par une modification du code des marchés publics, permettra à la restauration collective de s’organiser en vue d’acheter de la production locale et biologique.
M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour défendre l’amendement n° 625.
M. Yves Cochet. Je considère qu’il a déjà été excellemment défendu par M. Lazaro et par Mme Massat, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Marcon, pour soutenir l’amendement n° 367.
M. Jean-Pierre Marcon. Cet amendement intègre explicitement la restauration collective à l’article 1er, domaine que je connais particulièrement bien. Elle est mentionnée en tant que prescripteur de qualité des produits, de préférence issus d’une production locale, pour le maintien, voire le développement, des petites exploitations agricoles de proximité. Celles-ci, je le rappelle, ont pour la plupart adopté depuis longtemps un système de production raisonné, voire biologique.
S’agissant en particulier du bio, il ne faudrait tout de même pas que ce mot fasse peur, d’autant plus que mon amendement ne constitue qu’une incitation à atteindre les 20 % de produits bios dans la composition des repas, conformément à ce qui est prévu par le Grenelle de l’environnement. Il ne s’agit donc pas d’une exigence absolue. Mais un tel objectif n’est pas impossible à atteindre, bien au contraire, et cet amendement y contribuerait.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour soutenir l’amendement n° 429 rectifié.
M. Philippe Folliot. Il nous semble important de cibler les efforts de la nouvelle politique publique de l’alimentation sur les secteurs de la restauration collective. Celle-ci est en effet le principal levier du changement des comportements alimentaires et une source potentielle de nouveaux revenus pour les agriculteurs et les territoires.
Mais nous n’avons pas inclus dans notre amendement la problématique de l’agriculture biologique, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le bio figure déjà dans la loi à travers l’objectif de 20 % fixé par le Grenelle. Il n’est pas forcément utile de le répéter.
Et puis il y a une contradiction à mettre sur le même plan la problématique des circuits courts et celle de l’agriculture biologique : il y a beaucoup d’importations de produits bios, parfois issus de l’autre côté de la planète.
De plus, on doit tous être conscients que nous sommes aujourd’hui encore très loin des 20 %. Il serait donc plus sage de distinguer le bio et le local.
C’est pourquoi, avec mon collègue et ami Jean Dionis du Séjour, nous avons déposé cet amendement.
Bien entendu, nous sommes d’accord sur tout ce qui a été dit sur la restauration collective, et donc sur la nécessité d’avoir des schémas de proximité, mais les amendements précédents sont contradictoires au regard de la réalité actuelle. De même que pour le conventionnel, il peut y avoir des circuits courts dans le bio qui ne sont pas forcément des circuits de proximité. Cet amendement permettrait de concilier les deux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
M. Michel Raison, rapporteur. La commission a émis un avis négatif. Je propose à mes collègues de retirer tous les amendements en discussion commune car ils sont satisfaits par le contenu du décret que vient de nous dévoiler M. le ministre. De plus, je suis assez d’accord avec M. Folliot concernant le bio, qui est de toute façon inclus dans le Grenelle. Je rappelle que le code des marchés publics permet déjà de favoriser la production locale – le vice-président du conseil régional d’Alsace pourra attester que sa région a établi un cahier des charges concernant les produits de saison et les délais de livraison qui favorise de fait l’approvisionnement local. Nous avons donc déjà des marges de manœuvre. Il ne faut pas dire que rien n’existe.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Avis défavorable pour les raisons indiquées par le rapporteur. Je tiens à apporter deux précisions.
Premièrement, sans nier les bonnes intentions des auteurs de ces amendements, je constate que ceux-ci sont en contravention directe avec le droit européen…
M. Germinal Peiro. Pourquoi ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. …et qu’ils sont déjà satisfaits. En effet, en proposant de donner une préférence dans l’approvisionnement aux denrées issues de l’agriculture locale, ils sont vraiment en contravention totale avec le traité de Nice, qui prévoit que l’on ne peut pas donner de préférence à une localisation géographique au sein du Marché unique. J’assume cette divergence avec les auteurs de ces amendements car je ne veux pas qu’un texte de loi adopté par l’assemblée nationale française soit en contradiction avec les règles que nous avons acceptées au titre des traités européens. C’est un choix politique que j’assume totalement. Quant à l’agriculture biologique, je rejoins l’argumentaire exprimé par M. Folliot : cela crée de la confusion.
M. Jean Dionis du Séjour. Eh oui !
M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. En outre, l’Assemblée a déjà voté, dans le cadre de la loi Grenelle, les 20 % d’approvisionnement en produits issus de l’agriculture biologique d’ici 2020. Ce serait donc redondant.
Deuxième précision : Germinal Peiro nous a incités, lors des débats en commission, à aller plus loin dans cet article, aussi le Gouvernement proposera-t-il deux alinéas après l’alinéa 37 dans lesquels l’État se donnera comme objectif de recourir, pour l’approvisionnement de ses services de restauration collective, à des produits faisant l’objet de circuits courts de distribution impliquant un exploitant agricole ou une organisation regroupant des exploitants agricoles. Il s’agit toujours de la même tactique : inscrire dans la loi les circuits courts plutôt que la proximité pour ne pas être en contravention avec le droit européen.
Je rappelle une fois de plus mon engagement à me battre pour modifier le droit européen tel qu’il existe aujourd’hui, qui me paraît totalement dépassé par rapport aux attentes des consommateurs.
M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Je prends acte de ce que vous dites, monsieur le ministre, mais nous sommes confrontées aux conséquences des politiques que vous et votre majorité ont voulues et soutenues : le traité de Maastricht, le traite de Nice, le traité de Lisbonne. Comme vous êtes une personne extrêmement cultivée, je soumets à votre sagacité une courte phrase de Bossuet : « Le ciel se rit des prières qu’on lui fait pour éloigner de soi des maux dont on persiste à accepter les causes. »
M. Germinal Peiro. Eh oui !
M. Michel Piron. La technicité de l’argumentation est remarquable, monsieur Chassaigne ! (Sourires.)
M. André Chassaigne. Quand on regrette les conséquences de ces traités, il faut se poser des questions sur les engagements que l’on a pris au moment de leur ratification.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, donner comme argument l’annonce d’un décret pour refuser ces amendements, c’est marcher sur la tête !
M. Michel Raison, rapporteur. Monsieur Chassaigne, c’est prévu dans le code des marchés publics !
M. André Chassaigne. Je pensais jusqu’à maintenant qu’un décret pouvait s’appuyer sur un texte de loi ! Inscrire dans la loi des orientations qui aboutiront à prendre des décrets me paraît une prérogative élémentaire des députés. Si ce n’est pas le cas, je ne comprends plus rien au fonctionnement parlementaire.
Autre observation : la semaine dernière, j’ai été au conseil d’administration d’un lycée de la région Auvergne, et la gestionnaire de l’établissement m’a dit que la DGCCRF, actionnée par de grandes centrales d’achat,…
M. Germinal Peiro. Bien sûr !
M. André Chassaigne. …lui enjoignait d’arrêter les achats de proximité parce qu’ils étaient contraires au code des marchés publics.
M. Franck Gilard. C’est une accusation contre des fonctionnaires de l’État !
M. André Chassaigne. Les engagements donnés par le ministre ne suffisent donc pas. Il faut très nettement affirmer dans la loi les priorités mentionnées dans ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.
M. Daniel Fasquelle. Je fais remarquer à M. Chassaigne que, si l’on estime devoir impliquer le droit européen, ce n’est pas au titre des traités qu’il a mentionnés, mais en raison du traité de Rome de 1957, qui prescrit la libre circulation des marchandises. Les autres traités n’ont rien ajouté sur le point particulier dont nous débattons.
M. André Chassaigne. Et la concurrence libre et non faussée !
M. Daniel Fasquelle. Cela n’a rien à voir avec ce dont nous débattons, monsieur Chassaigne. Le principe de la libre circulation des marchandises, inscrit dans le traité, s’applique aussi aux marchandises agricoles. Si la Cour de justice accorde beaucoup d’importance à ce principe, je note qu’elle a accepté des dérogations ou des exceptions, notamment pour des motifs d’intérêt général – notion comprise de façon beaucoup plus large qu’habituellement en France. C’est pourquoi j’ai co-signé l’amendement n° 260. Il peut parfaitement entrer dans le cadre des dérogations acceptées par la Cour de justice.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, j’interviens malheureusement pour défendre la position du Gouvernement et de la commission, mais c’est à cause du droit. Je m’adresse plus particulièrement aux collègues de la majorité qui ont co-signé l’amendement n° 260. Nous faisons la loi. Nous ne sommes pas là uniquement pour faire des déclarations de bonnes intentions, ce qui relève des meetings ou des rapports avec la presse. Il s’agit d’écrire des textes de loi pour qu’ils s’appliquent ensuite. À cet égard, la manière dont le Grenelle a formulé l’objectif de 20 % de produits biologiques me semble de nature à satisfaire tout le monde. Introduire après l’alinéa 18 : « […] une préférence dans l’approvisionnement des denrées issues de l’agriculture locale et de l’agriculture biologique » créerait des difficultés pour ceux qui auraient à apprécier le respect du critère de préférence. À partir de quel seuil s’agirait-il de préférence ? Dès lors qu’il y aura une proposition de produit biologique, cela reviendrait à l’imposer, quelles qu’en soient les conséquences. Nous sommes tous des gestionnaires, il y a des équilibres à trouver, et c’est possible avec l’objectif des 20 %.
M. Jean Dionis du Séjour. Il a raison ! Je soutiens le président Ollier !
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je prends l’exemple de la ville que j’administre : il y a 10 000 repas par jour dans mes cantines scolaires. Si cet amendement était voté, je serais confronté au problème suivant : comment, avec la sincérité qui est la mienne, pourrais-je privilégier le biologique en tenant compte de la nécessité de ne faire payer au contribuable qu’un prix modéré ? Comment déterminer la préférence ?
Enfin, je rappelle que nous sommes là toutes et tous pour défendre le développement durable, pas seulement pour défendre une production ou une filière particulière d’agriculture. À ce jour, 30 % de toute la consommation de produits biologiques provient de notre pays. Mais où sont produits les 70 % restants ? Je vous pose la question, mes chers collègues. Je partage vos bonnes intentions,…
M. Michel Piron. Dont l’enfer est pavé ! (Sourires.)
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. …mais j’attends de votre part une réponse. M. Folliot a raison de souligner l’importance des importations dans ce domaine. Faites le bilan carbone du bio consommé dans les cantines scolaires, par exemple à Rueil-Malmaison. Oui, j’ai la volonté d’imposer le bio, mais j’ai aussi la volonté de défendre un bilan carbone satisfaisant. Dès lors comment choisir, comment établir la ligne de partage ? Le maire de Rueil-Malmaison s’interroge. Il y aurait là un nid à contentieux qu’il souhaite éviter.
L’amendement du Gouvernement est raisonnable. Je vous demande de ne pas suivre ces amendements, de se limiter au Grenelle, qui a été extrêmement incitatif, en le complétant par l’amendement gouvernemental qui constitue une incitation encore plus forte.
Nous faisons la loi, chers collègues. Je vous en supplie, réfléchissons et sachons choisir entre les bonnes intentions et la réalité des situations auxquelles nous sommes confrontés.
M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
M. Daniel Garrigue. Je ne comprends pas très bien la position de Patrick Ollier. L’amendement n° 260 qu’a défendu notre collègue Fasquelle propose d’insérer la précision suivante après l’alinéa 18 : « la restauration collective, par une préférence dans l’approvisionnement des denrées issues de l’agriculture locale et de l’agriculture biologique. »
Je veux bien croire que l’agriculture biologique représente 30 % de l’agriculture, mais l’agriculture locale c’est la totalité de l’agriculture. Il n’y a donc pas de problème.
(Les amendements identiques nos 260, 351 et 625 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement n° 367 n’est pas adopté.)
(L’amendement n° 429 rectifié est adopté.)
(…)
(Suite de la discussion fin de séance)