26-05-2010

Réforme des collectivités territoriales _ Discussion du projet de loi

Séance publique

Réforme des collectivites territoriales _ discussion du projet de loi

Motion de rejet préalable

(séance de 15h)

(…)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Bien évidemment, nous voterons cette motion de rejet, ce qui est la moindre des choses puisqu’elle est présentée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Mais ce vote favorable s’appuie sur deux divergences, c’est-à-dire que nos motivations ne sont pas tout à fait les mêmes. (Sourires.)

Par exemple, quand notre collègue de Rugy parle de « rendez-vous manqué », je dis, moi, que ce projet est en réalité un rendez-vous réussi, et bien quand il dit que ce projet est un « remède de Diafoirus », je dis, moi, que ce projet est en fait un remède vitaminé, un dopant.

Pourquoi un projet réussi ? Parce qu’il répond aux objectifs fixés : ceux d’une société toujours plus libérale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pourquoi un projet dopé ? Pour que les marchés financiers puissent prospérer au mieux ! (Même mouvement. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. Je vous en prie, laissez M. Chassaigne s’exprimer.

M. André Chassaigne. Je m’appuierai sur les propos qui ont été tenus tout à l’heure par les ministres et les rapporteurs.

Il y a le dit et le non-dit. Commençons par le dit. J’ai relevé plusieurs expressions : il faudrait, nous dit-on, « combler le retard dans la compétitivité et l’attractivité » et « aller vers la performance des territoires ».

M. Michel Piron. Tout à fait !

M. Yves Bur. C’est vital !

M. André Chassaigne. Ce projet a donc bien, pour l’essentiel, des objectifs économiques – cela a été dit et redit par les ministres.

L’autre argument avancé, c’est même celui qui a été annoncé en premier, c’est la maîtrise de la dépense sociale : il s’agit de faire que les collectivités territoriales prennent leur part de l’effort collectif. Cette réforme s’inscrit dans la continuité de la révision générale des politiques publiques, en accompagnant la déstructuration de la société que vous avez engagée. C’est un élément parmi d’autres, qui vient en complément des différentes lois que vous faites adopter par le Parlement.

M. Yves Bur. Trop, c’est trop !

M. André Chassaigne. Il y a ensuite le non-dit. On devine dans vos propos qu’il y a des espaces nouveaux à offrir au marché, qu’il n’est pas supportable que les services publics locaux soient gérés par les différentes collectivités territoriales. La boulimie des marchés fait qu’il ne doit rien rester qui ne rapporte pas d’argent, parce que, derrière tout ça, il y a des groupes financiers qui, sans doute pour gonfler encore la bulle financière, doivent faire de l’argent, et en faire sur le dos des services publics locaux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pour cela, il faut s’attaquer aux collectivités territoriales, il faut faire que ces collectivités territoriales ne puissent plus assumer les services à la population. Pas une seule fois, dans les différentes interventions des ministres ou des rapporteurs, n’ont été évoqués les besoins des populations.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Très juste !

M. André Chassaigne. Pas une fois, il n’a été dit que les collectivités territoriales étaient là pour répondre à des besoins, aux droits humains des populations qui les habitent.

M. Yves Bur. Cela tombe sous le sens !

M. André Chassaigne. Vous êtes obsédés, vous êtes crispés, vous avez des crampes mentales à propos des intérêts du libéralisme et vous ne pensez pas à l’humain, parce que l’humain, cela vous dépasse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Dès lors, l’articulation du projet de loi est simple, elle se manifeste par un double effet de ciseau.

Premier effet de ciseau, on asphyxie financièrement les collectivités territoriales en supprimant la taxe professionnelle, en limitant les dotations budgétaires. Même si les clauses de compétences restent, elles ne pourront pas être assumées parce que les collectivités territoriales n’auront pas les moyens financiers de le faire.

Mme Laurence Dumont. Très juste !

M. André Chassaigne. Second effet de ciseau, on empêche les besoins de remonter. Les populations expriment des attentes, des demandes, des droits en matière de logement, de transports, de culture, de loisirs, d’éducation. Pour éviter que cela ne remonte, on s’attaque à la démocratie locale en créant ces conseillers territoriaux qui seront éloignés des populations, qui siégeront le jour au conseil général, la nuit au conseil régional. Devenus de super-cumulards, ils ne seront plus à même de répondre aux besoins de populations dont ils se seront éloignés.

Vous vous attaquez à la proximité, et ainsi vous empêchez les besoins de remonter. Ce qui vous intéresse, c’est que l’argent (Protestations sur les bancs du groupe UMP) aille, comme vous le dites, vers la compétitivité, vers les territoires qui doivent être « performants » et alimenter toujours davantage les grands groupes financiers, quitte à provoquer des crises telles que celles que nous vivons actuellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

(fin de son intervention)

Pour en savoir plus : compte rendu AN

Imprimer